La mobilisation du foncier public en faveur de la construction de logements sociaux

Approuvée par l'Assemblée nationale mardi 27 novembre puis par les sénateurs mardi 18 décembre, la promulgation de la loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement est intervenue le 18 janvier 2013 après que le Conseil constitutionnel ait validé le texte dans son entier.
 

 
Nous vous présentons ici les grandes lignes de la loi tel qu'elle a été définitivement adoptée par le Parlement ainsi que les éléments du décret d'application paru le 15 avril.
 
Le ministère chargé du logement a mis en ligne une liste des terrains concernés avant de la retirer pour mise à jour. La liste initiale peut être consultée ici.

La loi :
  • organise la cession du foncier public au profit du logement social
  • modifie les obligations de production de logement social des communes
  • modifie la loi sur le Grand Paris.
     
La mobilisation du foncier public
 
La loi inscrit dans le code général de la propriété des personnes publiques le principe d’une décote du prix de cession pouvant atteindre 100% de la valeur vénale du terrain. Dans sa deuxième version, la loi limite à 50% la décote dont pourront bénéficier les logements financés en PLS ou destinés à l’accession sociale sécurisée.

Les terrains concernés

Sont concernés les terrains détenus par l’Etat et par certains de ses établissements publics dont la liste sera arrêtée par décret.

Pour être concerné par la décote, le terrain devra cumuler deux conditions :
  • Il devra être cédé au profit d’une collectivité territoriale, d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d’un établissement public foncier d’Etat ou local, d’un organisme agréé au titre de la maîtrise d’ouvrage sociale, d’un organisme d’Hlm, d’une société d’économie mixte de logements ou d’un opérateur lié à une collectivité ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre par une concession d’aménagement dont l’objet prévoit notamment la réalisation de logement social,
  • Il devra figurer sur une liste de parcelles établie par le préfet de région, après avis, dans un délai de deux mois, du comité régional de l’habitat, du maire de la commune sur le territoire de laquelle les terrains se trouvent et du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent. Cette liste est mise à jour annuellement. Cette liste pourra être complétée selon les mêmes modalités, à la demande de l’un des bénéficiaires autorisés sur présentation par cette dernière d’un projet s’inscrivant dans une stratégie de mobilisation du foncier destinée à satisfaire des besoins locaux en matière de logement.
Le montant de la décote

La décote sera modulée « selon les circonstances locales tenant à la situation du marché foncier et immobilier, à la situation financière de l’acquéreur du terrain, à la proportion et à la typologie des logements sociaux existant sur le territoire de la collectivité considérée et aux conditions financières et techniques de l’opération. »

Sont concernés :
  • les logements locatifs sociaux
  • les structures d’hébergement temporaire ou d’urgence
  • les aires permanentes d’accueil des gens du voyage
  • les résidences sociales
  • les résidences de logement pour étudiants conventionnées
  • les logements occupés par des titulaires de contrats de location-accession
  • les logements en accession à la propriété sous plafonds de revenus et sécurisés
Dans le cas de logements financés en PLS ou destinés à l’accession sociale à la propriété, la décote ne pourra excéder 50% de la valeur vénale du terrain.

Le texte élargit le bénéfice de la décote à « la part du programme de construction de logements sociaux dont l’objet est la construction d’équipements publics destinés en tout ou partie aux occupants de ces logements » pour les seules communes qui ne font pas l’objet d’un constat de carence au titre de la loi SRU. Dans ce cas, la décote est alignée sur la décote allouée pour la part du programme consacrée aux logements sociaux.

Les engagements liés à l’application d’une décote
  • en locatif : l’avantage financier résultant de la décote « est exclusivement et en totalité répercuté dans le prix de revient » des logements. Par ailleurs, tout logement ayant bénéficié d’une décote devra demeurer dans le secteur locatif social pendant une durée minimale de 20 ans.
  • en accession sociale : la décote devra être répercutée dans le prix de cession des logements, avec une clause anti-spéculative de 10 ans : en cas de première revente, le vendeur devra en informer le préfet qui pourra solliciter les organismes d’Hlm aux fins de racheter le logement. Dans le cas contraire, le vendeur devra reverser le différentiel entre le prix de vente et le prix d’acquisition (hors frais d’acte et accessoires à la vente) dans la limite du montant de la décote. En cas de mise en location dans les 10 ans, le loyer pratiqué ne devra pas dépasser un plafond fixé par l’administration.
Une convention passée entre l’Etat et l’acquéreur :
  • fixe les conditions d’utilisation du terrain cédé
  • détermine le contenu du programme de logements à construire
  • prévoit, en cas de non-réalisation du programme de logements dans le délai de 5 ans du fait de l’opérateur, soit la résolution de la vente sans indemnité pour l’acquéreur et le versement du montant des indemnités contractuelles applicables, soit le versement du montant d’une indemnité préjudicielle pouvant atteindre le double de la décote consentie. Ce délai est suspendu en cas de recours (à compter de l’introduction du recours et jusqu’à la date à laquelle la décision de la juridiction devient définitive) ou si des opérations de fouilles d’archéologie préventive sont requises.
  • prévoit aussi, en cas de réalisation partielle du programme ou dans des conditions différentes de celles prises en compte pour la fixation du prix de cession, le versement d’un complément de prix.
  • fait figurer en annexe les données dont l’État dispose sur le patrimoine naturel du terrain faisant l’objet de la cession.
  • peut prévoir le droit de réservation d’un contingent plafonné à 10 % des logements sociaux construits au profit de l’administration qui cède son terrain avec décote pour le logement de ses agents au-delà du contingent dont dispose l’État.
Le décret du 15 avril 2013 précise les conditions d'application de la décote, en déterminant 3 catégories de logements :
 
- Catégorie 1 : les logements locatifs financés en PLAI, les structures d'hébergement temporaire ou d'urgence bénéficiant d'une aide de l'État, les aires permanentes d'accueil des gens du voyage, les logements-foyers dénommés résidences sociales, conventionnés dans les conditions définies au 5° de l'article L. 351-2 du CCH ainsi que les places des centres d'hébergement et de réinsertion sociale mentionnées à l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles ;
- Catégorie 2 : les logements locatifs ou les résidences de logement pour étudiants financés en PLUS ;
- Catégorie 3 : les logements locatifs ou les résidences de logement pour étudiants financés en PLS, les logements occupés par les titulaires de contrats de location-accession et ceux faisant l'objet d'une opération d'accession mentionnés au VIII de l'article L. 3211-7 » du code général de la propriété des personnes publiques.

Pour chaque catégorie de logements et en fonction des circonstances locales prises en considération, le taux de décote est fixé à l'intérieur des fourchettes établies ci-dessous, qui tiennent compte de la zone géographique dans laquelle se situe la commune de situation du terrain aliéné :
 
Dans les limites précisées par le tableau ci-dessus, la décote est d'autant plus élevée qu'un certain nombre de critères, définis dans le décret, sont satisfaits.
 
Cette décote est limitée à la part sociale du programme, pour traduire l'obligation légale de répercuter, exclusivement et en totalité, l'avantage financier qui en résulte sur le prix de revient des logements locatifs sociaux ou assimilés et sur le prix de cession des logements en accession à la propriété. Le montant de la décote est fixé par le directeur départemental des finances publiques.
 
Le suivi de l’application de ce dispositif

Le préfet de région, assisté du comité régional de l’habitat, assure le contrôle de l’effectivité des conventions conclues selon le dispositif prévu par cette loi. Les acquéreurs de ces terrains ont l’obligation d’informer le CRH et la commune concernée de l’état d’avancement de leurs programmes.

Au niveau national, une commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier, composée de parlementaires, de représentants des ministères concernés et des organismes bénéficiaires des cessions de terrain, est chargée de suivre le dispositif de mobilisation du foncier public en faveur du logement. Elle est en particulier chargée de s’assurer que la stratégie adoptée par l’État et les établissements publics concernés est de nature à favoriser la cession de biens appartenant à leur domaine privé au profit de la construction de logements sociaux.

L’article 2 prévoit en outre que « six mois après la promulgation de la présente loi, le ministre chargé du logement remet au Parlement un rapport sur les modalités de mise en œuvre de la règle dite des « trois tiers bâtis » consistant à favoriser, dans les opérations de construction de logements, un tiers de logements sociaux, un tiers de logements intermédiaires et un tiers de logements libres. Ce rapport étudie la stratégie à mettre en œuvre et, sur la base d’expériences locales existantes, émet des recommandations en vue de la généralisation de ce principe.
 
Le renforcement des obligations de production de logement social

La loi :
  • fixe à 25% des résidences principales le seuil minimal de logements locatifs sociaux pour les communes dont la population est au moins égale à 1.500 habitants en Ile-de-France et à 3.500 habitants dans les autre régions et qui sont comprises dans une agglomération ou un EPCI de plus de 50.000 habitants comprenant une commune de plus de 15.000 habitants.
  • prévoit un régime dérogatoire pour certaines communes « pour lesquels le parc de logement existant ne justifie pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande et aux capacités à se loger des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées ».
La liste de ces communes sera déterminée par arrêté sur la base de trois indicateurs : la part des bénéficiaires de l’allocation logement dont le taux d’effort est supérieur à 30%, le taux de vacances, hors vacance technique, constatée dans le parc locatif social, le nombre de demandes de logements par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social.
  • fait évoluer le mode de calcul de l’objectif triennal en cumulé (% total qui doit être atteint chaque année) et limite à 50% le nombre de PLS à réaliser si la commune n’est pas couverte par un PLH
  • modifie le calcul de la pénalité pour les communes en état de carence en autorisant le préfet à multiplier jusqu’à 5 fois le montant du prélèvement. Pour les communes dont le potentiel financier par habitant (PFH) est supérieur à 150% du PFH médian des communes soumises, le plafond de la pénalité est relevé à 10% des dépenses réelles de fonctionnement, contre 5% dans le dispositif initial.
  • affecte le prélèvement à l’EPCI auquel appartient la commune ou, à défaut, à l’EPF d’Etat compétent ou au fond d’aménagement urbain et interdit à l’EPCI de reverser ce prélèvement à la commune concernée.
  • affecte la pénalité versée en cas de non-respect des engagements à un fond national de développement d’une offre de logements locatifs sociaux géré par la Cglls sous l’autorité d’un comité de gestion. Ce fonds apporte « en supplément des aides publiques à la construction ou à l’acquisition-amélioration de logements locatifs sociaux dès lors qu’ils sont réservés à des ménages dont la situation justifie un accompagnement social ou une minoration de loyer. »
  • autorise l’Etat à déléguer son droit de préemption sur les communes faisant l’objet d’un constat de carence à l’EPCI concerné ou à l’EPF local.
  • rend obligatoire dans les communes ayant fait l’objet d’un constat de carence la construction d’au moins 30% de logements locatifs sociaux (hors PLS) dans toute opération de construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher.
  • fait évoluer le mode de calcul de l’objectif triennal en cumulé (% total qui doit être atteint chaque année) et limite à 50% le nombre de PLS à réaliser si la commune n’est pas couverte par un PLH
Le Grand Paris

La loi ouvre à la région et aux départements concernés la possibilité de signer les contrats de développement territorial (CDT) et modifie les dates d’ouverture des enquêtes publiques de ces contrats et oblige à la compatibilité de ces documents avec le SDRIF.
 
Les autres mesures
 
La loi reprend deux dispositions introduites par amendements au Sénat lors de l'examen du premier texte :
  • la Soginorpa devra se transformer en SA Hlm avant le 31 décembre 2016 et céder ses participations dans des structures ne répondant pas à l'objet social Hlm avant le 31 décembre 2013
  • le prélèvement sur le potentiel financier des organismes d'Hlm (PPF) est supprimé à compter du 31 décembre 2012.