Comment mieux répondre aux besoins en matière de logements dans les territoires ?

Les acteurs locaux, faute d’une connaissance suffisamment précise des besoins et de l’offre de logements en quantité et qualité, anciens ou neufs, sont souvent démunis pour répondre aux besoins en logements de la population. L’avis du Conseil économique, social et environnementale (CESE) formule pour y remédier des préconisations de méthode articulées en six axes.

Tous.tes bien logé.e.s : un objectif pour les politiques publiques

Le logement est un sujet de préoccupation majeure partagé par de nombreux concitoyens, et c'est pourquoi il doit constituer une priorité nationale et locale. Les Français dépensent en moyenne 18% de leurs revenus à se loger, après déduction des aides au logement. Les ménages modestes et les locataires, notamment ceux du secteur privé, ont un taux d’effort particulièrement important (jusqu’à 50% de leur budget) et le mal logement reste quant à lui une réalité pour 4 millions de Français (Fondation Abbé Pierre, rapport 2017).

C'est pourquoi le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) s’est saisi du sujet sous l’angle de la réponse aux besoins effectifs : il a adopté en mars 2017 un avis qui comprend des propositions destinées à éclairer les décideurs publics sur les modes de gouvernance et les moyens à adopter pour mieux répondre aux besoins en logements dans les territoires.

Les préconisations du CESE, qui résultent de la concertation des représentants de la société civile organisée et qualifiée (syndicats, entreprises, coopératives, associations) sont d’actualité et s’articulent autour de six axes (voir encadré). Elles soulignent en particulier le rôle de l’Etat, qui doit être stratège et régulateur, l’importance de promouvoir une gouvernance du logement au cœur des territoires, et la place des acteurs locaux dans ce domaine.

L’avis précise que l’Etat doit en effet être le garant de la solidarité nationale et s’appuyer sur les différents échelons territoriaux pour recenser les besoins et les offres. Il faudrait en effet davantage prendre en compte les ruptures des parcours résidentiels, l’évolution des attentes des ménages, et mieux connaitre la demande et l’offre de logements sur un plan quantitatif et qualitatif. Si le nombre de logements a augmenté ces dernières années, il ne suffit effectivement pas à couvrir l’ensemble des besoins sur les territoires, urbains et ruraux, car la demande varie en fonction des territoires et des évolutions démographiques et sociétales. Le déficit est criant dans certaines régions telle que l'Ile de France, tandis que dans d’autres, les logements existent mais ne répondent pas toujours aux besoins (adaptation au vieillissement ou encore pouvoir d’achat). 

Le rapport étayant l’avis relève par ailleurs que « Les aides à la personne bénéficient au total à un ménage français sur cinq et sont ciblées sur les ménages modestes. (…) [Elles] contribuaient en 2011 pratiquement autant à la réduction des inégalités de revenus entre les 20 % des ménages les plus pauvres et les 20 % des ménages les plus riches que les minima sociaux et le RSA activité. (…) [Elles] font l’objet d’un arbitrage entre leur utilité pour permettre aux ménages modestes de se loger et réduire la pauvreté, d’une part, et le souhait de contenir les déficits publics, d’autre part. »

Il est urgent de mieux comprendre les besoins en logements sur les territoires et d’y répondre de façon adaptée. Avoir une politique publique nationale précise est nécessaire pour garantir l’accès à un logement de qualité pour tous. C'est pourquoi l'avis du CESE propose que l'Etat inscrive ses objectifs dans une loi de programmation budgétaire pluriannuelle en début de législature et porte ainsi l'objectif de tou.t.e.s  bien logé.e.s au coeur de la mandature. 

Isabelle Roudil est vice-présidente de la section de l’aménagement durable des territoires au Conseil économique, social et environnemental. Elle est chargée de mission à la Fédération nationale des sociétés coopératives d’habitations à loyer modéré. Elle a été le rapporteur de l’avis « Comment mieux répondre aux besoins en logements dans les territoires » du CESE.

Les propositions du CESE

  1. Mettre en place une connaissance partagée des besoins et des offres dans les territoires,

en encourageant les EPCI à construire et partager des observatoires territoriaux, en généralisant l’accès de tous aux informations localisées sur le prix du foncier, des locations et des logements, la disponibilité des logements sociaux.

  1. Renforcer le rôle stratégique de l’Etat,

à travers une loi de programmation budgétaire pluriannuelle fixant le cap en matière de construction, de rénovation ou de transformation, de lutte contre la précarité énergétique, et à travers des conventions avec les acteurs du logement.

  1. Construire une gouvernance du logement au cœur du développement des territoires

en faisant du programme local de l’habitat (PLH) un outil partagé et prescriptif.

  1. Conforter le rôle régulateur de l’Etat et l’écoute des habitants,

afin d’avoir des données clés en matière de logement ; mesurer l’impact des mesures fiscales sur le plan qualitatif et quantitatif ; s’inspirer de l’expérience du médiateur régional de la construction ; prévoir des consultations citoyennes dans les PLH et PLU pour renforcer les processus d’élaboration collective. L’investissement locatif pourrait en outre être impulsé par de nouveaux outils en dirigeant par exemple des « fonds dormants » de l’assurance vie.

  1. Favoriser une rencontre plus efficace de l’offre et de la demande,

en développant une information nationale sur les dispositifs existants ou innovants : plateforme numérique nationale de l’offre locative sociale, programme « habiter mieux » de l’ANAH… et en instaurant des maisons de l’habitat en coordination avec les ADIL, en favorisant l’implication d’associations d’intermédiation.

  1. Expérimenter des territoires « 100% bien logés »,

avec un contrat local de développement du logement pour 5 ans, à l’échelle des territoires impliqués, mettant en synergie des acteurs locaux.