Les coop Hlm dans les politiques locales de l'habitat

Si les coopératives sont combatives et innovantes et si le réseau affiche une croissance continue et enviable, j’ai néanmoins perçu de leur part une forte attente de lisibilité et de continuité ainsi qu’une forte attente vis-à-vis du gouvernement, via ce pacte de 150 000 logements par an que les organismes HLM se sont engagés à poursuivre mais qui doit être validé et suivi par les actions de l’Etat. Les trois intervenants se situent au cœur de ces préoccupations :
  • Daniel Goldberg, élu depuis 1995, est député PS de Seine-Saint-Denis et conseiller municipal de la Courneuve, ville où il est né et où il a grandi. Il a été rapporteur pour avis du budget logement à la Commission des Affaires Economiques et préside le groupe d’études construction, écoconstruction et logement de l’Assemblée nationale,
  • Michel Piron est député UDI de la 4ème circonscription de Maine et Loire depuis 2002 et conseiller général de Maine et Loire. Il est secrétaire de la Commission des Affaires Economiques, spécialiste des questions sur la ville, l’urbanisme et le logement, rapporteur ville et logement pour la Commission des Affaires Economiques et Président du Conseil national de l’Habitat auprès de Madame la Ministre du Logement. Il est également Président délégué de l’Assemblée des Communautés de France. Cette fonction est particulièrement importante dans le contexte des prochaines élections municipales,
  • Marie-Noëlle Lienemann, Présidente de la Fédération des Coopératives d’HLM est également Sénatrice de Paris et ancienne Ministre du Logement.
 
Aline Pailler, animatrice
 
La Fédération a constaté que les collectivités locales sont très intéressées par l’accession sociale à la propriété. Ses motivations pourront être exposées. En tant que rapporteur de la mission d’information sur les coûts de production en France, Daniel Goldberg souligne dans le rapport paru fin mars que le coût du logement sur le pouvoir d’achat des ménages est deux fois plus élevé en France qu’en Allemagne et représente 25 à 28 % du budget des ménages. J’invite Daniel Goldberg à préciser les effets de ce coût et les propositions adoptées par la mission d’information.

Daniel Goldberg
 
J’expliquerai pourquoi, dans un rapport qui parlait essentiellement de compétitivité économique, j’ai souhaité parler de la question du logement. Si l’on veut sortir cette question d’un débat de spécialistes, il est nécessaire d’en montrer toute sa dimension. Il ne s’agit plus d’une « crise » du logement, dans la mesure où une crise n’est pas appelée à durer, ce qui n’est pas le cas ! Le fait que des centaines de milliers de familles se trouvent en difficulté pour se loger est un véritable handicap pour le pays. Si l’on souhaite en faire un réel sujet de politique nationale – je regrette que les dernières élections présidentielles et législatives n’aient pas permis de mettre ce sujet au fond des débats – il est nécessaire d’en montrer toutes ses dimensions. La difficulté à se loger et le coût supplémentaire du logement pour les ménages français par rapport aux ménages allemands handicapent l’ensemble de la compétitivité du pays. Certaines fédérations territoriales du Medef vont dans ce sens et perçoivent la difficulté qu’ont leurs salariés à se loger, les temps de transport en constante augmentation, le stress engendré par les contraintes qui pèsent sur l’organisation familiale. La prise de conscience doit être globale.

Les propositions rejoignent celles de la Fédération des coopératives HLM et du mouvement du logement social en général : il est nécessaire de construire davantage de logements socialement accessibles et équitablement répartis sur le territoire national, car les difficultés d’accès au logement ne concernent pas seulement les zones tendues et urbaines. Elles existent sur tout le territoire. Il considère que le modèle des coopératives est original, insuffisamment connu et qui mérite d’être promu. Par rapport aux précédents débats, plutôt que le slogan « tous propriétaires », je prône la nécessité de trouver une solution permettant de « tous se loger ».

Aline Pailler
 
J’invite Michel Piron à s’exprimer sur la parution de ce rapport et comment les collectivités locales peuvent contribuer à la modération du coût du logement. La Fédération propose par exemple de renforcer le caractère social du PSLA en exonération les acquéreurs de taxe foncière pendant 15 ans.
 
Michel Piron
 
J’ai approuvé la quasi-totalité des propositions exprimées la veille au soir au sein de la Commission et j’ai voté favorablement la loi d’habilitation. J’ai lu dans les propositions de la Fédération que depuis de nombreuses années, les acteurs du logement manquent cruellement de visibilité. Confrontés à des règles qui changent plusieurs fois par an, à une forte variation des données relatives aux crédits et aux fortes contraintes financières subies par Bercy, les investisseurs éprouvent des difficultés à être opérationnels quand on sait que plusieurs années s’écoulent entre l’élaboration d’un projet et sa réalisation. Je souscris pleinement à la demande de visibilité pluriannuelle, qui supposerait de faire fortement évoluer la gouvernance et de mettre l’accent sur la planification, en mettant en place des politiques de moyen voire long terme.

Aujourd'hui, les employeurs éprouvent des difficultés à pourvoir certains emplois faute d’accessibilité au logement à proximité des lieux d’implantation des entreprises. Cela pose la question de l’aménagement du territoire et des difficultés de logements. La « crise » du logement concerne à la fois des logements vides ou vacants dans certains territoires et un manque de logement patent dans les zones tendues. Il n’est donc pas envisageable de répondre par des politiques standardisées et uniformes qui ne tiendraient aucun compte de la diversité des situations.
 
Je ne peux que souscrire au souhait de Madame DUFLOT, après Benoist APPARU, d’avoir une meilleure visibilité en mettant en place des Observatoires du logement. Ces Observatoires sont toutefois souhaités depuis de nombreuses années et je m’interroge sur ce qui pourrait enfin les mettre réellement en place et apporter une clarification macroéconomique de la question. Comparée à d’autres pays européens, la situation du logement est très particulière à la France, caractérisée par les contrastes invraisemblables des politiques du logement.
 
Il convient donc de s’interroger plus généralement sur la gouvernance et sur la question des Observatoires. Il semble préférable, plutôt que de s’appuyer sur un Observatoire unique francilien, de s’appuyer sur des Observatoires régionaux qui réaliseraient la synthèse des travaux déjà largement entamés. Plusieurs Observatoires d’initiative privée-publique réalisent déjà un excellent travail (ADIL, notaires…). S’agissant du coût économique, il est nécessaire de ne pas se focaliser uniquement sur la région parisienne. En effet, la question du coût du logement doit être mise en parallèle avec la question des revenus médians. Le coût du logement peut être un obstacle majeur y compris dans des zones rurales.

Il est nécessaire d’identifier les motifs de l’envolée du coût des logements notamment sociaux, à savoir + 57 % en moins de dix ans. La créativité d’un Etat centralisé comme l’est l’Etat français en matière réglementaire et normative est admirable, mais elle l’est beaucoup moins au regard des résultats qu’elle génère. Les organismes et les constructeurs sont confrontés à d’invraisemblables surcoûts liés aux règles. Il est impératif de remettre en question un certain nombre de normes, dont les hausses de coût intrinsèques méritent d’être comparées avec celles des pays étrangers. La question des charges restent également majeure, même si elle est aujourd'hui mieux prise en compte, comme l’a montré une des opérations présentées plus tôt.

Les collectivités locales sont actives depuis de nombreuses années, notamment sur le prix du foncier sur lequel elles consentent souvent des aides. Concernant la question des exonérations fiscales, il sera nécessaire de discuter du bon réglage.
 
Aline Pailler
 
Marie-Noëlle Lienemann, pour quelles raisons la question des problèmes de logement n’avance pas ?

Marie-Noëlle Lienemann
 
Une journée entière serait nécessaire pour répondre à cette question. J’ai en mon temps écrit un livre intitulé « le scandale du logement » qui abordait cette question. Je préfère plutôt me concentrer sur le sujet des collectivités territoriales et des politiques du logement !
 
La mauvaise articulation et les renvois de balles permanents entre les différents acteurs (Etat, collectivités locales, conseils généraux) justifient cette apathie collective. Je regrette de devoir annoncer aux participants de cette Assemblée générale qu’ils n’en sortiront pas avec une meilleure visibilité sur la question des collectivités locales. En effet, la loi de Décentralisation et la loi Duflot qui se profilent ne font pas consensus au sein même de tous les camps.

A la lecture des documents en sa possession relatifs à la loi de Décentralisation, je suis incapable d’expliquer clairement qui sera véritablement responsable de la compétence logement. De nombreux éléments entrent en jeu : le foncier, l’attribution du permis de construire, les financements… Tous les acteurs s’accordent à dire que l’Etat ne peut pas se désengager d’une série de financements (aide à la pierre, aide à la personne…) et de la fiscalité par nature nationale. L’idée était d’organiser une plus grande lisibilité des acteurs du logement.
 
En théorie, la tendance lourde consiste à pousser les agglomérations/métropoles à définir et opérer les politiques de l’habitat. En pratique, quels seront les outils d’action dont elles disposeront et tous les acteurs seront-ils d’accord pour confier ces outils d’action aux intercommunalités ?

Le premier outil est le PLU. La première question est de savoir si un PLU intercommunal sera défini, comme le souhaitent Madame la Ministre et la plupart des acteurs du secteur du logement mais non la plupart des élus locaux, des sénateurs ou des députés, quelle que soient les tendances politiques. Les résistances envers un PLU intercommunal sont fortes. Par ailleurs, le fait d’obtenir un PLU intercommunal ne signifie pas que le permis de construire sera transféré du maire à l’intercommunalité, sachant que le PLU interdit de faire certaines choses alors que le permis de construire permet d’en faire d’autres. Même si un projet immobilier est totalement conforme au PLU, le bras de fer avec un maire est rarement remporté par les opérateurs. Ce mécanisme complexe continuera à perdurer.

Ensuite vient la question des moyens financiers et des aides à la pierre. A priori, le principe de délégation d’aide à la pierre devrait perdurer et s’orienter vers l’intercommunalité. Toutefois, chacun sait que pour réaliser une opération, il est nécessaire d’obtenir des subventions du Conseil général et du Conseil régional, complémentaires ou non. Théoriquement, il est prévu d’organiser des conférences de chef de filat, qui est un nouveau concept.. Le logement devrait être discuté dans ces conférences de chef de filat afin de savoir qui de la commune, de l’agglomération, du Conseil général ou du Conseil régional sera chef de file.
 
Cela peut fonctionner dans un contexte de consensus collectif et de bénévolence généralisée, ce qui n’est pas le cas dans la plupart des secteurs du territoire ! S’ajoute à ce sujet le débat relatif à la métropole. L’arbitrage ferait qu’en Ile-de-France, c’est la métropole - dont le contour théorique est la zone INSEE, c'est-à-dire les deux tiers de l’Ile-de-France – qui serait compétente sur la question du logement. Le cadre de la gouvernance manque donc de clarté !
Sans l’accord des maires et des présidents d’intercommunalité, les coopératives Hlm ne réussiront pas à réaliser leurs opérations. Elles doivent donc essayer d’intervenir dès à présent sur les prochaines élections municipales qui verront des maires et des présidents d’intercommunalité se présenter. Il est fondamental d’interpeller tous les candidats à ces postes avec un cahier de propositions et de revendications de nature à éclairer ce qu’ils peuvent faire.
 
En effet, de nombreux maires ne sont pas conscients des outils qu’ils ont en leur possession et il est nécessaire de leur décoder. Les coopératives doivent également leur demander s’ils sont prêts à les utiliser. Lorsqu’ils délibèrent sur l’indexation par exemple, ils ont le droit d’identifier dans les périmètres de PLU un certain pourcentage des opérations dépassant un seuil qui peut être mis en accession sociale à la propriété… Il faut les inciter à débattre du sujet de l’accession sociale au cours des élections municipales et à répondre positivement aux interpellations des coopératives Hlm sur leur faculté à soutenir telle ou telle politique à rendre ce soutien public.
Tous les maires assurent que le logement sera un des sujets de la campagne électorale. Toutefois, au final, les propositions sont tellement grand public quelles sont vides de sens pour les acteurs concrets que sont les coopératives Hlm. Je propose que ce débat soit nourri avec des propositions précises de nature à relever de l’intérêt général et à obtenir des engagements sur l’accession sociale, sur les garanties qui seront données à la sécurisation, sur le fait de privilégier des acteurs pérennes et liés aux territoires.
 
La Fédération a également des propositions à faire sur la question foncière. Je suggère, en dépit d’une visibilité que je souhaiterais voire renforcée, d’avoir une réflexion stratégique micro-locale pour identifier ce qui doit être demandé aux maires et à leurs équipes municipales pour soutenir concrètement les coopératives dans leurs actions. En 2014, j’espère qu’une meilleure visibilité sur la décentralisation permettra de mieux ajuster les demandes de la Fédération sur les collectivités supérieures, dans le cadre des élections cantonales et régionales.

Aline Pailler
 
Daniel Goldberg quel rôle peut jouer l’accès à la propriété et en cette période de « crise » budgétaire qui dure, comment convaincre l’Etat et les collectivités locales de dégager des moyens soutenant l’accession à la propriété.

Daniel Goldberg

Les citoyens sont les premiers à convaincre pour entamer un programme de construction. On peut parler de la réelle volonté de certains élus dont certains favorisent la « ghettoïsation par le haut » de leur ville ou de certains de leurs quartiers, mais la difficulté à faire de l’intensité urbaine, c'est-à-dire construire un peu plus en répondant correctement aux besoins de logements, vient des personnes qui habitent déjà le secteur concerné.
 
Les ordonnances à venir essaieront d’empêcher les recours abusifs basés sur le phénomène NIMBY (not in my backyard) envers les projets de construction. Le débat sur le logement doit entrer le plus possible dans le débat public et sortir de questions de spécialistes. La ville ne se limite plus à la commune et les services du citoyen ne sont plus liés à la seule commune. J’ai plus que bon espoir d’aboutir au PLU intercommunal. Ce sujet fait partie des débats trans-sensibilité dans la précédente législature et se poursuit avec une forte volonté d’aboutir.

Pour convaincre un maire, il est peut-être nécessaire de lui rappeler que la compétence d’attribution des permis de construire ne date que de quelques dizaines d’années. Si un maire est conscient qu’il est garant de l’intérêt général et que la ville ne se limite plus à la commune, le fait d’accorder un permis de construire doit se faire suivant un intérêt général portant sur une zone géographique plus large que celle de sa propre commune.
 
Le PLU intercommunal apporte une vision claire sur des territoires plus larges que la commune, largeur qui varie selon la zone géographique. Il est nécessaire d’aboutir à des schémas prescriptifs.

Je suis très agacé du contenu du projet de loi de décentralisation relatif à la question métropolitaine, notamment sur l’Ile-de-France car c’est le contraire de ce qui devrait se faire en termes de périmètre, de compétences et de gouvernance. Le projet de loi, déjà soumis à évolution, doit permettre d’avoir une vision très claire des lieux de décision pour engager ces politiques fondamentales du logement. On ne peut pas créer une feuille supplémentaire dans ce schéma administratif tel qu’il existe aujourd'hui sans au minimum clarifier les lieux de décision.

Deux possibilités existent sur la question du chef de file. La première est de retirer « la clause de compétences générales » aux différents niveaux de collectivités territoriales. Par cette clause, la commune, le Département et la Région ont chacun des compétences obligatoires mais peuvent faire ce qu’ils veulent en dehors de ces dernières. Les élus ont fait généralement remonter la volonté de laisser cette clause de compétences générales aux différents niveaux de collectivités territoriales. Si on s’inscrit dans ce schéma, il est alors nécessaire d’ordonner la prise de décision et faire en sorte que les coopératives, opérateurs sur un certain nombre de projets, n’aient pas plusieurs dossiers à remplir pour obtenir 5 % de subvention ici, 3 % là…
 
Je ne suis pas opposé à cette notion de chef de file, à condition qu’elle soit efficace. Pour qu’elle le soit, les politiques de logement doivent être discutées en transparence devant les citoyens. Cette transparence est totalement absente aujourd'hui car personne n’admet ne pas vouloir construire de logement social dans sa commune, sauf lorsqu’il s’agit d’un argument électif. Avec la notion de chef de file, chaque élu devra jouer carte sur table.

Marie-Noëlle Lienemann
 
Je suis beaucoup plus critique sur le chef de filat. Les coopératives, acteurs de terrain, devront s’adresser selon les territoires au chef de file qui sera soit l’agglomération, soit le Département, soit la Région. La décentralisation est intéressante si elle évite des surcoûts à tous. En raison d’une trop grande diversité territoriale, monter une opération peut devenir extrêmement chronophage et laborieux. Je ne pense pas qu’il existe une opposition entre le droit à avoir une compétence générale et le fait de fixer une compétence prioritaire à une collectivité. Les lycées relèvent de la compétence des Régions, ce qui n’empêche pas les mairies de financer ponctuellement les projets pédagogiques ou les sorties de l’établissement.
 
Dans la clause de compétences générales, une partie des communes financent non par volonté mais parce que si elles ne le font pas, l’opération ne se fait pas. Le chef de filat sera mis en place car l’on ne réussit pas à trancher entre les différents niveaux de collectivités. Il définira le cadre mais demandera aux maires de mettre le terrain à disposition faute de pouvoir financer l’opération. Il ne fera que compliquer l’intervention publique. Cette complexification l’agace d’autant plus qu’a contrario, la politique du logement repose sur le multi-partenariat. J’estime que la meilleure solution serait d’avoir des structures à l’échelle régionale dans lesquelles on placerait les financements et les décideurs en commun et qui hébergeraient la matrice du financement.

Le rôle de l’Etat dans la décentralisation est questionné. Je considère que la priorité n’est pas de décentraliser mais de redéfinir un Etat administratif logement opérationnel, qui cesse d’ennuyer les opérateurs pour des broutilles et qui n’est pas capable de leur dire si la somme des PLH sur un territoire est conforme aux objectifs annoncés. En Ile-de-France, la somme des PLH prévoit une programmation inférieure aux annonces faites. Annoncer 70 000 logements alors que le total des PLH ne permet pas de les faire est un mensonge fait aux citoyens, qui considèrent alors qu’il est inutile de construire.
 
Personne n’est conscient de la pression du besoin concret existant sur chacun des territoires. Si réforme il y a, elle doit d’abord créer une grande administration publique du logement dont le rôle n’est pas de faire mais de coordonner et initier.

Aline Pailler

Michel Piron, vous qui êtes Président du Conseil National de l’Habitat, que pensez-vous de ces propositions et comment intervenez-vous auprès de Madame la Ministre ?

Michel Piron
 
Je ne partage pas totalement les propos de Marie-Noëlle Lienemann. La question de gouvernance est au cœur de toutes les autres. Ceci a été flagrant lors du débat sur le PLUI (PLU intercommunal), dont je suis un chaud partisan. Je l’ai défendu sans succès en tant que rapporteur dans l’hémicycle et je note avec satisfaction une certaine évolution des positions. 27 000 communes sur les 36 700 que compte le territoire ont moins de 1 000 habitants, 20 000 en ont moins de 500. Il est donc déraisonnable de ne pas poser la question du PLU intercommunal, y compris de l’ingénierie dans un tel paysage.
 
La question de la gouvernance est d’autant plus difficile que le paysage communal est très atomisé et que l’Etat n’a pas clairement choisi d’appliquer des concepts forts en assumant la décentralisation. Dans tous les pays voisins ayant des politiques de logement opérantes, l’Etat concepteur s’appuie sur l’échelon régional, où chacun joue son rôle par appel de compétences. Il existe 12 800 communes en Allemagne, 8 500 en Italie ou en Espagne : le paysage institutionnel est différent.

La notion de chef de file avait fini par être trouvée dans le cadre des débats liés à « l’acte Raffarin », pour consacrer une absence de pouvoir réelle. Je défends la décentralisation appelant un Etat fort. La vraie question est de déterminer la hiérarchie à mettre en place en répondant aux questions suivantes : qui conçoit ? Qui observe et planifie ? Qui opère ?
 
L’Etat doit concevoir une politique claire d’accession sociale, de logement intermédiaire et de logement social. La Région doit être le niveau d’observation et de planification : je ne saisis pas moi-même les tenants et les aboutissants de la continuité de cette réforme territoriale. Tant que les Régions ne disposeront pas d’un véritable pouvoir organisationnel, le système ne fonctionnera pas. Je ne crois pas en une administration centrale capable de tout voir partout, sauf à avoir trois ou quatre années de retard. Je me garde d’opposer Etat et Région, mais je constate qu’une certaine élite éprouve des difficultés à accepter que la province puisse également penser et encore moins penser juste. La distorsion de la macroéconomie ne suffit pas à y voir clair.
 
L’Etat doit être fort en termes d’ingénierie publique sur de grandes orientations, mais ne doit pas se mêler de tout.
 
Aline Pailler
 
J’invite la salle à intervenir.
 
Michelle ATTAR, Esh Toit et Joie

Je rassure Daniel Goldberg : en Ile-de-France, les coopératives n’ont plus que deux dossiers à remplir – auprès de l’Etat et de la Région ! Les collectivités locales, communes ou Départements, ont quasiment partout abandonné le financement du logement social. La baisse de la TVA, bénéfique, est rattrapée par d’autres éléments, notamment les augmentations prévues de la TFPB et la baisse des subventions issues des collectivités locales.
 
Aujourd'hui, il est beaucoup plus difficile de monter une opération que voici deux ans et on peut déplorer le désengagement sur le financement social en Ile-de-France. Aujourd'hui, la décentralisation signifie pour certains un désengagement de l’Etat et un désengagement global.
 
On peut considérer que le logement est une cause nationale, mais ni les résultats ni la traduction ne se voient sur le terrain. Cette année, la situation en matière de logement et d’hébergement sera catastrophique. Si l’on continue à assurer que tout va bien, on risque d’en payer rapidement le prix.

Marie-Noëlle Lienemann
 
Je m’étonne d’entendre tout le monde se déclarer favorable à la décentralisation, mais protester lorsque les décideurs décentralisés ne prennent pas les décisions souhaitées. Il est nécessaire de les mettre devant leurs responsabilités. L’Etat ne peut pas être rendu responsable du désengagement des collectivités locales au regard du logement social. j’ai moi-même toujours été hostile au fait de demander aux collectivités locales de payer.
 
Leur rôle doit être de mettre du foncier à disposition, de définir des règles d’urbanisme favorables et de favoriser la réalisation des opérations. Dès lors que l’on entre dans les cofinancements, on devient dépendant de la désertion de l’un des maillons financeurs. Tout le monde a accepté pendant longtemps que les collectivités locales compensent le désengagement de l’Etat.
 
A présent que l’Etat offre plus d’avantages, une partie des collectivités locales diminuent leur aide. Je partage l’avis de Michel Piron selon lequel c’est au niveau régional que la planification et la hiérarchisation des besoins doivent se faire. Les chiffres de cette année ne sont pas révélateurs des marges de manœuvre que la puissance publique donnera aux coopératives car ils ne sont pas encore calculés sur la base d’une TVA à 5 %, une décision très favorable au montage des opérations.
 
Dans l’avenir, plusieurs terrains publics seront mis à leur disposition, le milliard d’euros du 1 % devrait également arriver. La suppression du prélèvement interviendra l’an prochain pour les coopératives. Si les coopératives Hlm se plaignent de leur situation, d’autres opérateurs seront sollicités !

Il convient également d’interpeller les collectivités locales. La cellule de suivi doit être intégrée dans le pacte que le mouvement Hlm va signer. Si une défaillance apparaît du côté des collectivités, les solutions permettant d’y pallier et de les mobiliser doivent être trouvées. C’est à ce titre que les élections municipales sont importantes.
 
Tous aborderont le logement social sans apporter de précision. Ce sera aux coopératives Hlm de leur demander combien les candidats investiront, s’ils accepteront d’inscrire le logement social dans leur PLU…

Daniel Goldberg

Je rappelle que le premier financeur public d’aide à la pierre en Ile-de-France est la Région. Cela est intéressant dans le cadre du débat sur la future métropolisation car on accepte l’argent du premier financeur mais pas son rôle de planificateur et de stratège.
 
S’il est plus difficile de monter des opérations, deux cas de figure existent. Dans le premier, certaines collectivités sont volontaires mais n’ont plus les moyens aujourd'hui d’aller de l’avant comme elles le souhaiteraient. Cela soulève la question d’une réelle péréquation des moyens des communes en fonction de leur nombre d’habitants. Un salarié contribue à la richesse de la ville dans laquelle il travaille mais non à celle de la ville qu’il habite. Souvent, il ne peut pas se loger dans la première. La question des recours abusifs est très présente et met un grand nombre de maires de toute tendance politique en difficulté, voire en incapacité de pouvoir construire. Ici, il est vraiment nécessaire de faire preuve d’une grande pédagogie persuasive.
 
Le second cas de figure englobe les maires qui ne veulent pas construire. Au niveau régional ou dans les zones les plus agglomérées, il est nécessaire d’avoir une autorité organisatrice du logement qui planifie les zones à construire, qui pense simultanément les opérations en termes de zones d’activité économiques et de logement. Je me félicite qu’une ordonnance mette en place le projet intégré de logement, qui devrait permettre de traduire dans les faits la programmation globale de la ville dans certains quartiers, comme ceci a été fait dans les quartiers ANRU.

Aline Pailler

A un moment où l’on se félicite de la flexibilisation du travail avec l’accord ANI, quel est le moyen de défendre l’accession sociale à la propriété dans les politiques de logement ?

Michel Piron
 
Je suis conscient de la complexité de la situation de l’Ile-de-France mais je rappelle qu’elle ne doit pas être le parangon du reste de l’Hexagone. Cette complexité oblige à faire la distinction entre les concepts et les tâches. L’idée d’une planification et d’une organisation à l’échelle régionale est essentielle. La partie opérationnelle doit relever de l’intercommunalité.
 
L’Ile-de-France ne peut pas être une seule et même intercommunalité. Je me garde bien de trancher ici sur le périmètre du Grand Paris. La question soulève celle de la mixité fonctionnelle, c'est-à-dire du lien entre le lieu d’habitat, le lieu d’emploi et le transport, dans lequel la Région détient d’éminentes responsabilités. Il est donc nécessaire de trouver des complémentarités. Là encore, une organisation de la gouvernance est essentielle. La variété des territoires exige des opérateurs différents : à cet effet, le statut multiple des intercommunalités est intéressant. Les communautés urbaines sont différentes des communautés d’agglomération ou de communes. Elles répondent à une grande diversité territoriale.
L’Ile-de-France devrait au moins s’interroger sur l’absence d’une politique d’aménagement du territoire. On ne peut pas continuer à concentrer à l’infini autant d’emplois sur l’Ile-de-France et à rejeter de plus en plus loin les logements de ceux qui y travaillent. L’absence d’une réflexion voire d’une gouvernance globale montre la limite de l’exercice. Le rapport Ile-de-France/Province est posé.
 
La même question se pose dans les autres grandes métropoles françaises au regard de leurs régions. Ces questions méritent d’être inscrites dans une réflexion plus globale sur l’aménagement du territoire. Le Ministère tel qu’il a été constitué et qui réunit urbanisme, logement et aménagement du territoire – peu abordé - est théoriquement un bon périmètre. Des lieux d’organisation distribués et hiérarchisés doivent exister.
 
Aline Pailler
 
Je note l’inventivité, la motivation et l’implication des coopératives Hlm. Les outils amenés par la Fédération et les coopératives Hlm sur l’accession sociale à la propriété (sécurisation des parcours…) doivent-ils être davantage connus, partagés et défendus auprès de l’Etat ?

Michel Piron
 
J’invite les coopératives à interpeller les intercommunalités sur ces sujets. La péréquation doit également concerner les communes. Son ambition était d’un dixième de pourcents sur l’ensemble des dotations aux collectivités locales, avec un objectif à 2 milliards en 2015. L
 
a péréquation distribue une part des suppléments de recettes et ses critères ne doivent pas être exclusivement démographiques. Certaines collectivités dont les habitants sont assez pauvres possèdent elles-mêmes un fort potentiel financier. L’inverse est également vrai.
 
Marie-Noëlle Lienemann
 
Il n’est pas difficile de convaincre les collectivités de la nécessité de l’accession sociale, qui porte globalement une bonne image. Il est par contre plus difficile de les convaincre de la subventionner et de dégager du foncier. Les élus sont effrayés par le risque de surendettement des classes populaires en période de crise notamment. Le surendettement n’est pourtant pas à dominante immobilière et la sécurisation existe.
 
La question est de savoir si un élu doit financer l’accession sociale. Les situations sont plus diversifiées. Certains élus qui n’ont pas atteint leurs 25 % en locatif s’efforcent de le faire : il convient de leur expliquer qu’ils ont intérêt à avoir des opérations mixtes locatif/accession pour mieux les faire accepter par le territoire et pour répondre aux besoins de diversification. La diversification accession/locatif sociale est meilleure que celle apportée par le PLS. S’il a son intérêt au cœur de la région parisienne, il est difficile dès que l’on s’en éloigne de trouver les ménages dont les ressources correspondent au PLS.
 
Les ménages susceptibles d’être concernés rechercheront plutôt de l’accession dans l’ancien ou s’éloigneront pour accéder à la propriété dans le neuf. Faut-il que les collectivités financent l’accession à la propriété ? Le montage habituel est la réalisation de plus-value, la vente et l’obtention d’aide publique et au final la captation par le promoteur d’une partie de la richesse donnée par la collectivité locale. Les clauses anti-spéculatives limitent la donne et il est souhaitable que la loi Duflot les durcisse. Un travail législatif pourrait essayer d’allonger les durées et l’encadrement des clauses anti-spéculatives (remboursement de l’aide publique…).

Les coopératives Hlm doivent se faire connaître en tant qu’acteurs en mettant en avant leur spécificité par rapport à des intervenants privés et la nécessité d’une aide publique dans certains cas particuliers.
 
Enfin, il existerait un moyen d’obliger les collectivités à subventionner les opérations, comme celui consistant à utiliser un petit pourcentage du droit de mutation que les collectivités devraient être dans l’obligation d’utiliser pour réaliser du logement à caractère social ou abordable. Les droits de mutation représentent des sommes gigantesques en période d’euphorie immobilière ! Une partie d’entre eux pourrait être utilisée pour réaliser de la réserve foncière déstockée en période de « vache maigre ».
 
Un lien est donc possible entre les politiques locales et les moyens donnés localement pour la construction de logements.
 
Michel Piron
 
Je reviens sur la question de la mixité du parc. J’avais proposé que pour toutes les communes qui ont déjà 20 % de logements sociaux, l’accession sociale soit reconnue entre 20 et 25 % et au-delà des 20 %. Pour arriver aux 25 %, l’arbitrage se fait aujourd'hui entre l’accession sociale et le logement locatif. Lorsque je l’ai proposé à la Commission, j’ai senti une certaine sympathie de la part de mes collègues socialistes…

Stéphane Dambrine, Président de l’Union sociale pour l’Habitat d’Ile-de-France

Mon association n’a pas à rougir de son action car aujourd'hui, près d’un logement sur deux construit en Ile-de-France est un logement social. Le problème ne vient pas du logement social mais de la construction globale en Ile-de-France. De même, il ne vient pas non plus de la coordination des financements mais du niveau de financement global. Il s’agit donc bien d’un problème de gouvernance, avec d’un côté une région impuissante à imposer quoi que ce soit aux élus malgré un schéma directeur et de l’autre des élus malthusiens qui reflètent la demande de leurs habitants.
 
Le niveau de décision n’est donc pas au bon endroit. Un point important dans les projets de loi de décentralisation est la nécessité de faire un bouclage de l’intercommunalité à des échelles cohérentes. Il faut retenir les intercommunalités de 300 000 habitants en petite couronne et de 100 000 habitants en grande couronne avec le PLUI. Il est nécessaire de sortir du système actuel surréaliste dans lequel le Schéma directeur définit des objectifs, les PLH définissent des objectifs différents et inférieurs et les PLU ne permettent au final plus de construire grand-chose.
 
Enfin, au moment où les finances publiques se font rares, il ne s’agit pas de savoir quel est l’acteur qui finance le plus mais de démontrer que les financements sont moins importants, de poser la question du foncier et des normes et coûts de construction.
 
De la salle
 
Je regrette que le débat soit trop « parisien » et souhaite donner une connotation plus optimiste.
 
La loi de décentralisation qui est proposée a les défauts évoqués précédemment, mais a également le mérite de faire avancer un certain nombre de choses. Si les notions de chef de file et de métropole vont compliquer les choses, les acteurs locaux doivent s’emparer des textes et les faire vivre localement. L’intervention de Marie-Noëlle Lienemann sur les élections locales est importante : toutes les associations régionales doivent s’emparer de la notion de chef de file et faire des propositions sur les textes que les coopératives devront faire vivre collectivement dans les régions.

Daniel Goldberg
 
Le modèle d’accession sociale développé par coopératives Hlm est intéressant, car il permet d’aller vers l’accession de manière sécurisée. Depuis la mise en place de l’article 55 de la loi SRU, un certain nombre de communes qui étaient à l’origine à 25 % ont considéré que l’objectif de 20 % était davantage un plancher qu’un plafond. Elles ont de ce fait baissé leur niveau de logements locatifs, faute de construire du logement social locatif.
 
Plus de 10 ans après le premier vote, il était important de redonner un objectif mobilisateur pour du logement locatif social, ce qui n’empêche pas l’accession sociale. Un débat a eu lieu sur le fait d’intégrer ou non l’accession sociale dans le seuil de 25 %.
 
En ce qui le concerne, fixer un seuil de 25 % de logement social locatif aux communes ne lui paraît pas infaisable. Compte tenu du niveau de ressources moyen des concitoyens, le logement locatif représente pour beaucoup l’unique possibilité de se loger dignement. Il est également essentiel de proposer l’accession à la propriété à une partie d’entre eux à condition qu’elle soit sécurisée et soit faite sur l’ensemble du territoire. Il conviendrait de cesser cette opposition locatif/accession pour penser globalement le parcours résidentiel.
 
Michel Piron
 
La baisse de taux de 25 % à 20 % de locatif n’est pas une donnée générale dans l’ensemble des communes. Je considère au contraire que l’article 55 a permis de constater une progression du logement locatif. Le fait de ne pas pouvoir intégrer l’accession entre 20 et 25 % amène à de nombreux arbitrages qui se feront exclusivement en faveur du locatif.
 
Marie-Noëlle Lienemann
 
Seules les communes des « zones tendues » seront concernées par les 25 %. Dans ces zones, si aucun effort n’est fait vers le locatif, la situation restera difficile. Je ne suis pas favorable à l’intégration de l’accession sociale dans les 25 % car il est nécessaire de se rappeler qu’il ne reste pas social ad vitam aeternam. Les coopératives ont intérêt à plaider le discours de la mixité, même dans le cadre d’opérations de logement social.
Je plaide pour que toute collectivité publique ait l’obligation annuelle de délibérer pour décrire l’état du logement, le nombre des constructions neuves réalisées, le nombre de logements Hlm et le nombre d’accessions parmi elles, le taux de croissance spontanée.
 
Dans ma commune, la construction spontanée représente le gros des constructions. Les citoyens doivent s’approprier la réalité. Ils focalisent parfois sur le logement social une pression de construction qui ne vient pas de ce dernier. Ils doivent également avoir conscience des besoins, par exemple en délibérant chaque année sur le nombre de demandes de logements sociaux, sur le pourcentage représenté par les habitants de la commune… Il conviendrait également d’indiquer à quel pourcentage de demandeurs de la commune ont été attribués les logements sociaux…
 
Tant qu’ils ne voient pas la réalité de cette politique complexe, les citoyens n’adhèreront pas à la nécessité de résoudre cette crise majeure du droit au logement. Cette culture partagée permettrait de changer sur le long terme le rapport des Français aux politiques publiques de l’habitat. Les coopératives Hlm doivent être systématiquement associées aux politiques locales.
 
Aline Pailler
Lorsque Marie-Noëlle Lienemann lance des idées, elles se concrétisent rapidement ! J’invite Jean-Louis Dumont, Président de l'Union sociale pour l'habitat, à conclure.

Jean-Louis Dumont

Je remercie Marie-Noëlle Lienemann de l’avoir invité à cette assemblée générale. Le thème de l’accession à la propriété et de l’accession sociale doit être systématiquement rappelé. En effet, un maire signe des permis de construire pour des familles qui ont décidé de devenir propriétaire ou qui le sont déjà. Les locataires peuvent également souhaiter s’engager dans un parcours résidentiel par un changement de statut et non nécessairement un changement de logement, via la vente Hlm. L’accession à la propriété est le cœur de métier des coopératives Hlm mais est aussi un fait économique sociétal à prendre en compte.
 
Aujourd'hui, le fait de devenir propriétaire n’est pas forcément un élément opposé à la mobilité professionnelle et/ou géographique mais est un élément qui permet de se constituer un patrimoine. Le renouvellement des maires en 2014 est l’occasion de leur rappeler l’existence du locatif et de la propriété.