Foncier : des pistes européennes pour maîtriser la flambée des prix

Des intervenants européens, dont la Coop'HLM Rhône-Saône Habitat, sont venus partager leur diagnostic et leurs solutions à l'occasion d'un débat organisé dans le cadre du Festival international du logement social à Lyon le 6 juin 2019. 

Ce qui est rare est cher. Cette assertion n’a rien d’un sophisme pour les professionnels du logement qui interviennent dans les métropoles européennes, où le foncier se raréfie et renchérit le coût du logement. Lors d’un débat organisé dans le cadre du Festival international du logement social, le 6 juin 2019 à Lyon, des intervenants espagnols, français et écossais sont venus croiser leurs diagnostics et leurs pistes de solutions.

Lyon, Barcelone et Lille déplorent par exemple la spéculation foncière qui a accompagné le développement de leur attractivité. "Un bien symbolique est devenu plus cher qu’un bien physique : cette année à Lyon le prix du foncier a dépassé le coût de la construction, ce qui pose question", interpelle Cédric Van Styvendael, président de Housing Europe et directeur général d’Est Métropole Habitat. Une situation d’autant plus choquante à ses yeux que "cette richesse est fictivement produite, via des investissements publics (transports, équipements…) : de quel droit ces investissements s’évanouissent au profit d’investissements privés ?", s’indigne-t-il.

Coincé entre mer et montagne, Barcelone n’a plus de foncier disponible pour développer une nouvelle offre de logements, constate Josep Maria Montaner, conseiller municipal chargé du logement à Barcelone. Dans cette ville de 1,7 million d’habitants (3 millions avec l’agglomération), le prix moyen d’un loyer est passé de 400 euros en 2000 à 813 en 2008 et 950 en 2018. "Il y a maintenant très peu de logements disponibles à moins de 700 euros, ce qui pose un vrai problème aux locataires".

Quant à Lille, elle est la troisième ville de France en matière de cherté des loyers alors quelle pointe à la neuvième place au titre des revenus médians et affiche un taux de pauvreté de plus de 25 %. "Nous avons donc un double enjeu de maîtrise des prix et d’adaptation à la population locale", souligne Caroline Lucats, directrice de l’habitat et des risques santé à la ville de Lille.

SÉCURISER LE FONCIER POUR BAISSER LES LOYERS

Pour endiguer la hausse des prix du foncier, qui ont atteint "un maximum à ne pas dépasser" selon Michel Le Faou, vice-président de Grand Lyon Métropole chargé du logement et de l’urbanisme, la métropole lyonnaise a donc décidé de doubler dès cette année le budget dédié aux acquisitions foncières (auprès de l’État, la SNCF et de privés en diffus), "pour pouvoir maîtriser en amont la construction de logements futurs". Barcelone, qui ne dispose que de crédits de la ville et de l’UE (mais pas de crédits de la région ni de l’État) pour mener sa politique de l’habitat a plutôt choisi de cesser toute vente de foncier public et de privilégier les baux sociaux pour développer le parc de logements publics, qui ne représente que 1,5 % du parc actuellement.

Les collectivités développent aussi des chartes qui imposent aux promoteurs de limiter les prix de sortie sur les grosses opérations et fixent des tailles minimums pour les nouveaux logements. C’est le cas en France, à Villeurbanne (lire sur AEF info), sur le territoire de Plaine Commune (lire sur AEF info) et au-delà en Île-de-France (lire sur AEF info). C’est aussi le cas à Barcelone où les grands projets de réhabilitation doivent compter au moins 30 % de logements abordables.

PÉRENNISER LES AIDES À L’ACCESSION

Plusieurs collectivités parient aussi sur le dispositif OFS/BRS, ou CLT à l’étranger, qui permet de dissocier le foncier du bâti pour proposer des logements abordables pour les primo accédants de classe moyenne en centre-ville notamment. Et aux collectivités d’investir une seule fois pour réduire le coût d’un logement qui ne pourra pas faire l’objet de spéculation au moment de la revente. Lille a ainsi signé ses premiers BRS fin 2017 (lire sur AEF info) et compte développer l’activité de son organisme sur le parc existant et la vente HLM.

Le premier organisme foncier solidaire de la région Auvergne Rhône-Alpes, baptisé Orsol, et qui réunit trois coopératives HLM (Rhône Saône Habitat, Savoisienne Habitat, Isère Habitat) a par exemple acquis ses premiers terrains et se lance dans plusieurs opérations à Villeurbanne, Grenoble ou encore à Chambéry. La métropole de Lyon espère pour sa part créer son propre OFS fin 2019.

ÉCOSSE : RÉCUPÉRER LES TERRAINS ABANDONNÉS

La question de la maîtrise foncière par les pouvoirs publics se pose aussi en cas de rétention des terrains. Ainsi en Écosse, la commission chargée du foncier s’intéresse de près aux terrains non utilisés et peu attractifs (parfois d’anciennes zones industrielles) qui constituent un potentiel vivier pour les logements, notamment sociaux. "Un tiers de notre population (de 5 millions d’habitants) habite à 500 mètres d’un site à l’abandon, parfois contaminé", explique Sarah Boyack, responsable des affaires publiques pour la fédération écossaise des associations de logement social.

"On pourrait utiliser ces lieux vacants pour créer des espaces verts, attirer de nouveaux venus et surtout construire des logements". Le gouvernement local "envisage d’imposer aux propriétaires de vendre leur terrain s’il n’est pas utilisé", ajoute-t-elle. Il s’est fixé comme objectif que la moitié des 3 971 sites identifiés soient utilisés d’ici six ans, et que plus aucun ne soit à l’abandon d'ici 2028. Il souhaite aussi créer 50 000 logements abordables, dont 35 000 sociaux en cinq ans.

Dépêche n°607641 d'Elodie Raitière publiée le 06 juin 2019 par l'agence de presse AEF reproduite avec son aimable autorisation.