Relancer le logement social : rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée Nationale

Juin 2001
Auteur : Jean-Louis Dumont, Député
54 pages
 
INTRODUCTION

La Mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances (MEC) a retenu le logement social parmi les thèmes qu'elle a approfondis au printemps de 2001.

Elle est partie du constat de la diminution, observée depuis presque dix ans, des constructions de logements locatifs sociaux, malgré les efforts très significatifs de l'Etat en faveur des intervenants, pour s'interroger sur les causes structurelles de cette tendance et sur les moyens d'y remédier. Elle a souhaité mener sa réflexion, au-delà de la seule question du logement locatif social, sur la problématique de l'ensemble de la politique du logement en France, dont il convient d'examiner les fondations.

Alors que paraissent continûment des analyses souvent chiffrées sur la situation de tel ou tel secteur du logement social, la mission a souhaité apporter une contribution différente basée sur l'information de terrain des principaux acteurs du logement social, qu'il s'agisse des députés, comme maires ou gestionnaires d'organismes, ou des personnalités qu'elle a entendues.

A cette fin, elle a procédé à trois séances d'auditions les 5 avril 2001, 19 avril 2001 et 17 mai 2001.

La mission a entendu le 5 avril 2001 M. Christian Nicol, actuel chef de la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS), dont l'expérience de trente ans dans le secteur du logement résulte des fonctions qu'il a exercées précédemment, de conseiller technique de différents ministres, de directeur du cabinet de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement de 1998 à 2000, et de directeur de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). Le même jour, elle a reçu le professeur Michel Mouillart, spécialiste incontournable du logement social.

Le 19 avril 2001, la mission a reçu M. Louis-Gaston Pelloux, président de l'Union d'économie sociale pour le logement, accompagné de MM. Jean-Luc Berho, vice-président, et Bertrand Goujon, directeur général, puis M. Bertrand Meary, directeur régional de l'équipement d'Ile-de-France et enfin M. Paul-Louis Marty, délégué général de l'Union nationale des fédérations d'organismes d'habitations à loyer modéré. Ces trois auditions ont permis à des intervenants essentiels du secteur du logement social de donner leur point de vue, à savoir les collecteurs du 1% logement, le mouvement HLM et le représentant de l'Etat pour l'équipement dans la région parisienne où les problèmes se posent avec une particulière acuité.

Enfin, le 17 mai 2001, la mission a été éclairée par les auditions de Mme Michèle Attar, présidente de la section du cadre de vie au Conseil économique et social, de M. Philippe Pelletier, président de l'ANAH accompagné de M. Pierre Pommellet, directeur général, puis de MM. Patrick Doutreligne et Olivier Nodé-Langlois respectivement secrétaire général du Haut comité au logement des personnes défavorisées et responsable du secrétariat du réseau Habitat-ville du mouvement ATD-Quart monde.

Le présent rapport présente les enseignements qui peuvent être retirés de ces travaux.

Dès à présent, votre Rapporteur souhaite préciser la démarche globale qui l'a guidé. En premier lieu, il convient d'observer que, si le problème essentiel est celui du logement locatif social, l'ampleur des difficultés constatées, notamment du fait de blocages administratifs et budgétaires, invite à proposer des pistes de solutions globales. Le rapport s'intéressera donc aussi à l'action publique en direction du logement social privé, qui a fait l'objet ces dernières années d'un regain d'intérêt et à la question de l'accession sociale. Ce dernier point est essentiel, car la politique du logement social s'inscrit comme une étape d'une trajectoire résidentielle, dans la perspective de l'accession sociale à la propriété.

Comme l'a fort bien exprimé Mme Attar lors de son audition, on peut considérer que l'accession sociale n'a pas à être conditionnée par le mérite supposé de l'accédant, mais constitue un objectif en soi de la politique du logement, compte tenu de ses effets globaux en termes d'intégration et de socialisation.

En effet, l'un des enjeux de la crise actuelle est d'adapter l'action publique aux transformations de la problématique du logement : jusqu'à la fin des années 80, la politique du logement social visait à permettre l'accès à un logement, au moyen d'aides publiques, à des ménages aux revenus faibles ou moyens, dans le respect de critères de ressources. Cette politique quantitative, tendant à faire disparaître la pénurie, a réussi. La perspective nouvelle est celle de la politique sociale du logement, y compris l'action en faveur des plus démunis, la politique de la ville, l'intégration, la sécurité, l'aménagement du territoire.

Il faut cesser de gérer le logement social comme au temps de la pénurie, mais refonder la politique du logement sur la volonté de répondre à une demande diversifiée.

Cet enjeu exige une adaptation des acteurs et, tout d'abord celle de l'Etat, qui a conservé en 1983 la compétence du logement social alors que l'urbanisme était transféré aux communes, mais également celle des autres acteurs, en particulier le mouvement HLM et les gestionnaires du 1% logement.

On ne peut que constater, en premier lieu, le déclin de la construction sociale, perceptible au plan budgétaire, comme sur le terrain, et aggravée paradoxalement par la bonne conjoncture économique depuis 1997. Il convient donc de mettre en évidence les multiples blocages à l'origine de ce déclin : une compétence d'Etat très mal exercée en raison de certains travers bureaucratiques et de la contrainte budgétaire, pesante et insidieuse, un mouvement HLM trop peu dynamique dans son ensemble et dont les structures sont à revoir, et un secteur du 1% logement dont la réorganisation doit être accélérée. Enfin votre rapporteur formulera des propositions tendant à refonder la politique du logement social.