Intégrer les préoccupations du développement durable dans l'activité des coopératives d'Hlm

Dans le cadre de son assemblée générale, la Fédération nationale des sociétés coopératives d'Hlm a organisé une table-ronde sur l'intégration des préoccupations du développement durable dans l'activité des coopératives d'Hlm.

Cette table-ronde réunissait :

La table ronde était animée par Isabelle ROUDIL.
 



Isabelle ROUDIL

Il revient à Marie-Noëlle Lienemann d'ouvrir le débat en revenant sur la Charte du logement durable et solidaire.

Marie-Noëlle LIENEMANN

Nous souhaitons que chaque coopérative puisse se donner un cap pour les trois années à venir, en déclinant la Charte du logement durable et solidaire. Celle-ci n'a pas pour objet de conduire à une uniformisation des actions mais de définir des objectifs communs.

La Charte comporte un premier volet social. Dans ce domaine, il s'agira de travailler de manière renforcée sur la généralisation de la sécurisation et l'adaptation des logements aux modes de vie des publics. Du reste, l'évolution des modes de vie intègre certaines problématiques du développement durable comme le tri sélectif.

En second lieu, il s'agira de prendre part activement au développement durable des territoires. Les collectivités locales et les municipalités évoluent sur ces sujets. Nous devons contribuer à la diffusion de cette culture.

Il nous faudra également promouvoir les économies d'énergies. Il s'agira d'un enjeu de taille.

Nous devrons, par ailleurs, renforcer la cohésion sociale des territoires en favorisant les gestes socialement responsables. Nous y contribuerons à travers la Charte du syndic solidaire, l'information des accédants et les chantiers à faible nuisance.

En dernier lieu, il s'agira d'œuvrer pour la préservation des ressources naturelles telles que l'eau et contre l'étalement urbain. En outre, les matériaux locaux et peu polluants devront être privilégiés.

Au-delà de ces principes généraux, nous souhaitons mettre l'accent rapidement sur un certain nombre d'engagements collectifs.

Il s'agira ainsi de développer la très haute performance énergétique, 10 à 20 % au dessus de la RT 2005. Du reste, nous devrons évoluer en fonction des règlementations.

Nous devrons par ailleurs nous mettre en situation de proposer aux pouvoirs publics une réflexion sur les aides réellement efficaces en matière de développement durable.

Il nous faudra réaliser au moins une opération à excellente performance énergétique dans chaque coopérative ou du moins par mutualisation.

Nous aurons à doubler le nombre de logements produits ayant recours aux énergies renouvelables (de 500 à 1 000 en 3 ans).

Il nous faudra également promouvoir la préservation du cycle d'eau, la collecte sélective, les chantiers à faible nuisance (1 opération sur 2), l'utilisation des matériaux locaux et l'accompagnement des habitants dans l'acquisition des gestes verts.

Enfin, il s'agira de contribuer à la diffusion des bonnes pratiques.

La Fédération s'engage, dans le cadre de l'agenda 21, à produire chaque année un bilan de la déclinaison de ces objectifs. Au-delà de ce travail général, il s'agira de nouer des partenariats afin d'expérimenter, d'innover et d'accélérer la mise en œuvre des engagements collectifs.

Isabelle ROUDIL

Avant de poursuivre, il me faut excuser l'absence de Jean-Luc Laurent, vice-président de la région Ile-de-France.


Loris DE ZORZI

Escaut Habitat est une coopérative basée à Cambrai qui produit environ 150 logements par an, dont 70 % en groupé et 30 % en collectif (appartements). Escaut Habitat s'appuie sur des modèles pour proposer des prix compatibles avec les ressources de sa clientèle cible.

Dans ce contexte, nous avons entrepris de labelliser 50 % de notre production. Pour ce faire, nous avons exploré deux pistes : adapter les modèles existants aux normes de labellisation ; rechercher de nouveaux produits.

Les deux pistes ont conduits à des surcoûts de 3 500 à 20 000 euros par logement, suivant les modèles. Nous espérons cependant pouvoir diminuer ces surcoûts.

Pour ce projet, nous avons obtenu environ 20 000 euros de subventions, provenant pour moitié du Conseil Régional et pour moitié de la collectivité locale. Deux opérations ont été engagées sur des sites ANRU, à Valencienne et à Lille, bénéficiant ainsi d'une TVA à 5,5 %. De fait, sans les aides, ces opérations n'auraient pu voir le jour.

Les prix de vente moyens se situent entre 165 000 et 205 000 euros, avec une moyenne autour de 180 000 euros. Du reste, nous allons expérimenter le Pass-Foncier afin de ramener le financement immédiat à 50 000 euros.

Suite à ces expériences, nous avons entreprise le montage cinq opérations du même type. Cela étant, la généralisation d'une architecture « en cube » soulève quelques inquiétudes.

Avec le temps, ce modèle risque de subir une décote.

Quoi qu'il en soit, j'estime que les surcoûts disparaîtront à long terme, de par la généralisation des modes constructifs.

Lionel RONDEAU

Huit sociétés ESH, sept coopératives et trois sociétés de promotion concurrentielle composent le groupe ARCADE. Nous avons également la chance de pouvoir nous appuyer sur un GIE dans notre démarche de développement durable. Dans ce cadre, un groupe de travail, baptisé Système de Management Environnemental (SME), a été constitué. Ce groupe est composé de 25 personnes parmi lesquelles des directeurs techniques régionaux, des responsables de la gestion, des directeurs commerciaux, etc. La représentation de tous les métiers assure la performance globale du dispositif.

Nos principaux objectifs sont d'éliminer les développements dangereux ou inutiles. Il s'agit ainsi de prévenir les effets de mode et d'affichage. Pour ce faire, nous capitalisons sur l'expérience acquise au travers des opérations réalisées.

Nous avons aujourd'hui près 40 chantiers ouverts, quelques 18 opérations en cours d'instruction et une douzaine d'opération en cours de montage. 80 % de ces projets relèvent d'une démarche HCE. 20 % d'entre eux relèvent d'une démarche HQE.

Notre travail nous permet d'être reconnus par les professionnels et les municipalités. C'est autour de cette reconnaissance que nous avons créé la marque des trois soleils. Le premier soleil correspond au référencement des produits et des filières respectueuses de l'environnement ; le second à l'engagement dans les chantiers sans nuisance ; et le troisième aux cycles de fin de vie.

Dans ce contexte, mes interrogations portent sur l'aspect financier. De fait, les engagements qui nous sont imposés ne sont pas toujours en adéquation avec les aides. Les aides sont souvent disparates, de mêmes que les différents produits exigent des fonctionnements différents. Nous attendons des éclaircissements sur ce point.

Olaf MALGRAS

Coop de construction est une coopérative rennaise d'environ 15 collaborateurs, produisant entre 150 et 180 logements par an. Nous avons commencé à nous intéresser au développement durable en 1999, avec un projet portant sur un bâtiment de 43 logements.

N'ayant pu moduler le prix de vente sur lequel nous nous étions engagés, l'opération nous a coûté quelques 600 000 euros. A cette occasion, nous avons pu mesurer le coût du développement durable.

Cette expérience nous a appris que tous les développements ne peuvent être menés de front et ne devaient pas tous être pris en charge par le promoteur.

Nous en avons également tiré quelques enseignements concernant les coursives, la maîtrise du double flux, les bâtiments traversants, la récupération des eaux de pluie, etc. A ce propos, je regrette que la récupération des eaux de pluie dans les sanitaires ne soit plus autorisée.

Par ailleurs, nous avons constatés que les coûts de constructions demeuraient de 10 à 12 % plus élevés qu'auparavant, en dépit des subventions européennes et des aides locales.
Depuis, nous avons engagés plusieurs programmes d'envergure plus raisonnable, avec des développements plus ciblés. A Mordelles, nous sommes ainsi parvenus à réduire les surcoûts à 7 % (subventions incluses). Nous pensons qu'il s'agit-là d'un maximum acceptable pour l'acquéreur, compte tenu de la volonté de loger des familles modestes. Un autre projet, baptisé les Héliades, nous permet d'atteindre 30 KWh au m2 par an pour le chauffage.

J'achèverais mon propos en rappelant que l'isolation par l'extérieur est une évidence. S'agissant de la récupération des eaux de pluie, nous installons des citernes et des tuyaux, avec l'espoir d'obtenir de nouveau l'autorisation. Si les décrets d'application viennent à sortir, nous ne regretterons pas les investissements initiaux.

Quoi qu'il en soit, il apparaît que les entreprises majorent quasi automatiquement le coût des travaux liés au développement durable, le plus souvent par manque d'habitude. De fait, nous rencontrons de réelles difficultés pour obtenir des prix raisonnables. Ne pourront-on faire jouer un effet de masse ? Avec 400 logements en production, des solutions pourraient être trouvées avec les entreprises. Pour l'heure, l'augmentation des coûts de construction nous conduit dans une impasse.

Isabelle ROUDIL

Comment la CAPEB aborde-t-elle cette problématique ? Quelle est la réaction des artisans ?

Alain CHOUGUIAT

La CAPEB représente les entreprises de moins de 20 artisans qui constituent 98 % des entreprises en France. Nous sommes donc très proches du terrain et très proches des coopératives du point de vue de l'organisation.

S'agissant des interrogations soulevées, la meilleure des réponses me semble être la convention signée ensemble. Celle-ci nous amène à réfléchir sur l'intégration des exigences du développement durable. Du reste, les coûts de certains matériaux nous échappent à tous - le principal « amortisseur » demeurant, dans ce contexte, les marges de entreprises.

A travers cette convention, il s'agira de privilégier une approche globale, de diminuer les temps et de mieux s'organiser pour produire un impact sur les coûts. Il conviendra ainsi d'apprendre à travailler ensemble, en favorisant l'acculturation au sein des différents métiers. Nous devrons également travailler sur les modes constructifs ainsi que sur les matériaux, avec les coopératives d'HLM et le monde industriel, pour trouver des solutions innovantes. L'enjeu sera de dégager des gains de productivité, notamment en tirant profit des contextes locaux. Enfin, il s'agira de permettre une meilleure gestion des chantiers, en partenariat avec les architectes et les industriels.

Un bilan de cette expérimentation, portant sur une centaine de logements, pourrait, me semble-t-il, constituer un levier important.

Isabelle ROUDIL

Peut-on craindre une uniformisation des constructions ?

Lionel DUNET

La problématique est celle de « l'éco-esthétique ». Une nouvelle culture du développement durable se développe. Au-delà de ce débat, il faut comprendre que nous construirons différemment à l'avenir. L'esthétique évoluera nécessairement.

Pour l'heure, nous en sommes au stade de l'adolescence. C'est pourquoi, nous nous sentons obligés de poser des panneaux solaires et de construire en bois. Cela étant, l'architecture et l'esthétique seront différentes à l'âge mûr du développement durable. Il nous appartiendra d'enseigner et de faire comprendre cette culture.

Isabelle ROUDIL

Les architectes sont-ils prêts, par ailleurs, à s'engager sur des résultats en termes de performances ?

Lionel DUNET

Nous militons pour faire évoluer les normes. Notre pays est maladivement normatif et instaure des obligations de moyens plutôt que de résultats. Cela n'est pas suffisant. Il nous faudrait répondre aux besoins et non aux normes.

Marie-Noëlle LIENEMANN

Si nous voulons que les productions industrielles soient moins coûteuses et répondent aux objectifs du développement durable, il conviendra néanmoins de conserver un certain nombre d'effets normatifs, sans quoi les filières industrielles ne pourront optimiser la production des matériaux les plus susceptibles de répondre à ces objectifs.

Nos normes globalisées demeurent des normes théoriques de moyens. Certes, des objectifs doivent être atteints. Toutefois, certaines normes sont indispensables pour généraliser les usages dans certaines filières.

Par ailleurs, la culture paysagère de la France demeure particulièrement diversifiée, avec un patrimoine ancien qu'il est important de conserver. Les structures innovantes sont relativement homogènes. Il conviendrait de travailler davantage sur la diversité des formes de haute performance environnementale, au regard des cultures paysagères locales.

Lionel DUNET

Nous intégrons toujours la dimension esthétique et culturelle dans notre travail. Nous intervenons donc naturellement dans ce domaine.

Isabelle ROUDIL

La Charte du logement durable et solidaire aborde la problématique de l'étalement urbain. Comment les aménageurs-lotisseurs se situent-ils dans ce débat ?

Dominique DE LAVENERE

Nous nous situons à deux niveaux. Le développement durable vise à apporter à nos concitoyens une certaine qualité de vie, tout en préservant celle des générations futures.

Aujourd'hui, le développement durable est une chaîne allant du territoire au quartier et du quartier au bâtiment. A quoi servirait-il de mener une réflexion au niveau des territoires, sans réfléchir au préalable au niveau des quartiers ? Si chacun réfléchit dans son coin, se pose la question des compétences à mettre en œuvre pour mener une réflexion environnementale. Nous avons besoins de paysagistes, d'architectes, d'urbanistes, de sociologues, d'anthropologues, etc.

Les aménageurs et les concepteurs de bâtiments sont capables de mettre en place des équipes pluridisciplinaires. En revanche, les compétences demeurent plus limitées s'agissant des PLU. La réflexion ne peut donc être menée correctement au niveau des petites communes rurales - celles-ci ne pouvant pas mobiliser les compétences appropriées ou ne disposant que de compétences à minima. Je suis effaré de constater que des projets d'urbanisation sont aujourd'hui engagés, sans réelle prise en compte de leurs impacts sociaux, humains ou environnementaux. Dans ces conditions, la réflexion environnementale, au même titre que la planification urbaine, ne doit plus se situer au niveau des communes, mais au niveau des agglomérations.

Il s'agit cependant d'un discours politique dont la mise en œuvre est difficile.

Malheureusement, le politique a souvent des préoccupations non environnementales, notamment en matière de planification urbaine. Nous ne pouvons continuer à faire de la planification urbaine à partir d'enjeux de secteurs ou de petites communes. Nous ne pourrons faire de la planification urbaine qu'à partir du moment où la réflexion se recentrera à un niveau supérieur de gouvernance, sans toutefois exclure les élus locaux. En ce qui nous concerne, nous estimons que les réflexions environnementales et de programmation urbaine devront être menées au niveau des collectivités et des agglomérations. Il nous cependant faudra définir le niveau pertinent, en se posant la question de la légitimité électorale de ceux qui prendront les décisions.

Du reste, nous n'aurions pas ces problèmes de programmation urbaine et d'étalement urbain si les textes existants étaient simplement appliqués, qu'il s'agisse de la loi SRU, de la loi UH ou de la loi ELN.

Nous parlions précédemment du diffus, en posant la question de son adéquation avec le développement durable. 180 000 des 426 000 logements réalisés en 2006 se trouvent être des maisons individuelles. Sur ces 180 000 maisons individuelles, seules 60 000 ont relevé d'opérations organisées (ZAC et lotissements). Ce diffus existe du fait de l'absence de programmation globale. Certes, les besoins de logements insatisfaits alimentent le diffus.

Néanmoins, ce sont bien les élus qui autorisent ce développement urbain, car ils ne possèdent pas cette culture de la programmation urbaine.

Isabelle ROUDIL

Monsieur Hussenot souhaite-t-il réagir aux interrogations soulevées concernant la gouvernance ou les aides financières parfois incohérentes ?

Vincent HUSSENOT

La délégation interministérielle au développement durable est concernée par l'ensemble des problématiques associées au développement durable, qu'il s'agisse des enjeux du bâtiment ou de l'accession à la propriété. Le Grenelle de l'environnement a débouché sur la mise en place de comités opérationnels qui produisent actuellement leurs rapports. Le Parlement en sera saisi prochainement. Plusieurs comités opérationnels se sont penchés sur le bâtiment et notamment sur le bâtiment neuf.

Il est clair que les problèmes sont complexes. Quelles que soient les difficultés abordées, toutes traduisent un changement profond. Il existe un problème global de changement des mentalités. Dans ce contexte, il devient nécessaire de se rapprocher et de travailler ensemble.

Nous faisons face à un problème global de réflexion sur le long terme et de gestion des ruptures technologiques, notamment concernant les matériaux. De fait, nous n'atteindrons pas le facteur 4 en 2050 sans rupture technologique à venir. Tous les éléments ne sont pas en notre possession. Il ne suffira pas de mettre en œuvre ce qui existe déjà. Cela suppose des systèmes de financements. Cela suppose que les économies d'énergie puissent être répercutées sur les charges. Du reste, tout le monde ne s'approprie pas ce type de démarche et nous faisons face à des enjeux importants, notamment en matière sociale.

Nous ne pouvons faire la leçon à chacun. Nous devons faire attention aux démarches morales qui demeurent très présentes dans le développement durable, pour répondre ensemble à ce défi.

Nous parlions à l'instant du bâtiment neuf. Là aussi, nous concevons des projets qui sont ensuite passés par le marché. Nous ne pourrons avancer si aucun changement n'intervient dans le processus de production des bâtiments, si la conception ne laisse aucune place à la représentation des futurs utilisateurs et si les architectes ne parviennent pas à travailler efficacement avec les entreprises, notamment en raison du fonctionnement des marchés publics. A travers différents chantiers, nous tentons de changer les modes de production dans le bâtiment.

Nous faisons également face aux enjeux du réchauffement climatique. Au-delà de l'harmonisation des labels, il faudra imposer une prise de conscience collective. Cela état, les jeunes acteurs semblent aller dans ce sens.

S'agissant du diffus et de la responsabilité des élus dans l'urbanisation, il convient de souligner que certains sont priés de répondre à des critères sociaux et de faire des offres en matière de logement. Cela étant, dès lors que ces petits villages ne sont pas intégrés au réseau des transports publics, les bilans globaux en matière d'économies d'énergies demeurent insatisfaisants.

Yves-Marie ROLLAND, Logis Breton à Quimper

Ne pensez-vous pas que le métier de pavillonneur doive évoluer à terme, dans la perspective d'une généralisation les lotissements denses ?

De la salle

Un certain nombre de solutions techniques existent d'ores et déjà. Cependant, la question est celle des contreparties financières. Quels efforts l'Etat est-il prêt à faire dans ce domaine ?

Dominique DE LAVENERE

Ma première réflexion, en tant que président du SNAL, a porté sur le lotissement dense et la maison en ville. Pourquoi, ne savons nous plus travailler dans ces principes ? Les règles édictées pour la construction des maisons individuelles sont telles que celles-ci ne peuvent plus être implantées à l'intérieur des agglomérations. Le lotissement dense, quant à lui, offre des possibilités quasi identiques à celles du petit collectif, avec 30 à 50 logements à l'hectare. Néanmoins, les élus demeurent peu réceptifs. Notre congrès de Bordeaux a précisément porté sur cette thématique.

Vous évoquiez également la culture des constructeurs de maisons individuelles. Ceux-ci sont en train de comprendre la nécessité de réfléchir autrement. La maison individuelle de catalogue n'existe plus. Il s'agit dorénavant de travailler, en amont, avec les aménageurs. Il importe que, dans le cadre des projets paysagers et architecturaux, une réflexion soit menée en matière d'urbanisme. Nous avions souhaité qu'un décret impose les architectes, ce qui nous a été refusé. Quoi qu'il en soit, nous plaidons pour un rôle accru et juridiquement imposé des architectes dans les opérations d'aménagement et de création de lotissements.

Lionel DUNET

Il est évident que les modes de production de la maison individuelle doivent évoluer. Les ministères réfléchissent à un abaissement du seuil. Cela étant, une telle mesure ne portera pas ses fruits sans une coopération renforcée entre les constructeurs et les architectes.

Marie-Noëlle LIENEMANN

Dans certains PLU, la densification de l'habitat a été limitée pour des raisons sociologiques. A chaque type de parcelle correspond un type de population. La gestion de cette urbanisation constitue donc une façon de pratiquer la ségrégation sociale. Un certain nombre de maires imposent délibérément des critères dans ce but.

Par ailleurs, les terrains disponibles aujourd'hui sont pour certains déjà urbanisés, ce qui conduit à privilégier le collectif ; d'autres se situent relativement en périphérie de l'urbanisation la plus dense, ce qui pose le problème de la transition urbaine. Nous aurions donc intérêt à trouver quelques terrains expérimentaux en zones intermédiaires déjà urbanisées, afin de crédibiliser les lotissements denses. Si nous ne produisons pas cet effort, la culture du lotissement dense ne parviendra pas à s'imposer en France.

Du reste, nous ne pouvons dire que l'agrégation des maisons individuelles ne procède pas, dans certains cas, de la densité urbaine. Je suis toujours étonnée du nombre de permis de construire individuels accordés par les maires, du fait de la division des parcelles. Une masse de petites maisons viennent ainsi densifier les zones existantes. Nous devons être attentifs à la construction de maisons individuelles en zones urbanisées.

Dominique DE LAVENERE

Le lotissement dense doit participer au développement harmonieux de la commune. Les constructions rapprochées finissent par prendre l'apparence d'une rue. Il s'agirait de ne pas recréer ainsi des « cœurs de villages ». C'est pourquoi la réflexion urbaine doit être menée très en amont.

Vincent HUSSENOT

Aujourd'hui, le financement s'effectue au travers des agences publics, ainsi qu'au travers des régions. Ces dernières demeurent très actives, notamment dans la promotion des constructions à haute performance énergétique.

La question du financement est largement débattue dans les comités opérationnels issus du Grenelle de l'environnement. La défiscalisation, le crédit d'impôt, les subventions directes sur certains équipements sont autant de thèmes abordés.

Cela étant, vous connaissez comme moi l'importance des montants annoncés globalement pour le bâtiment, notamment en vue d'atteindre le facteur 4. Ces chiffres oscillent aujourd'hui entre 600 et 1 200 milliards d'euros, à investir d'ici 2050. Il est clair que ni l'Etat, ni les maîtres d'ouvrage ne règleront directement cette facture. Si aucune ingénierie financière n'est mise en œuvre, nous nous trouverons dans une impasse.

Nous avons conduit un certain nombre de réunions avec les banques, afin d'interroger leur inscription dans ce schéma. L'enjeu central semble être l'amortissement des travaux et des surinvestissements.

Le deuxième enjeu est de distinguer le foncier, du bâtiment. De fait, compte tenu de l'évolution des prix du foncier, les maisons sur catalogue, livrées en container, font leur apparition. La première maison labellisée MINERGI en France est ainsi une maison tchécoslovaque, montée en cinq jours sur une semelle en béton. Le marché est donc attaqué par des modèles clés en main qui donnent des garanties en matière de performance énergétique, ce qui ne va pas nécessairement dans le sens d'une préservation du paysage et des caractéristiques culturelles. Le paysage doit lui aussi être protégé au travers des politiques mises en œuvre et des directives paysagères.

En ce qui concerne la garantie, je ne reviendrai pas sur l'évolution des normes, ni sur le vieux débat entre le consensus et l'obligation. En revanche, la garantie de résultats est la façon dont nous interrogeons l'ensemble des acteurs la filière. L'argent public ne peut plus financer des travaux sans garantie de résultats. Les systèmes de certification commencent à intégrer le principe, à travers les blowtests, la thermographie, etc. Il s'agit de garantir le résultat pour lequel les subventions ont été versées. En outre, l'ensemble de la chaîne se trouve impliquée. Nous questionnons actuellement la possibilité de développer des prêts bonifiés par rapport aux objectifs et conditionnés par la réalisation de ceux-ci. Dans certains pays nordiques, la non atteinte des objectifs entraîne ainsi une reprise de la bonification - l'entreprise devant se retourner vers son assurance. La question est de savoir dans quelle mesure les entreprises qui disposent de qualifications sont-elle prêtes à se responsabiliser ? Cette garantie de résultats est déjà au cœur de la réflexion des comités opérationnels du Grenelle de l'environnement.

Alain CHOUGUIAT

La CAPEB s'est battue pour que n'apparaisse pas un nouveau métier de « rénovateur du bâtiment ». Il s'agira de conserver nos savoir-faire et de les faire évoluer pour répondre aux exigences des maîtres d'ouvrage. La cause étant entendue, l'accent est mis dorénavant sur la performance des entreprises du bâtiment, notamment au travers de la formation.

La CAPEB lancera, en 2008, le label « éco artisan » qui permettra de concentrer nos efforts sur la rénovation thermique. Un dispositif de formation viendra étayer cette démarche. En outre, nous devrons être en mesure de conseiller les maîtres d'ouvrages et d'intégrer l'ensemble des métiers du bâtiment. Il nous faudra aussi proposer des solutions innovantes, sans avoir peur de les évaluer.

Nous n'appréhendons pas le contrôle de nos savoir-faire. Les chefs d'entreprises s'engagent au contraire dans cette voie. En revanche, ils ne peuvent répondre du comportement des utilisateurs. Dans ce domaine, nous envisageons, avec le CFPB et d'autres organismes, la mise en place de petits outils de contrôle (caméras thermiques ou autres). De fait, la certification nous semble coûteuse et difficile à mettre en place pour les petites entreprises. Pour ma part, j'estime que l'autocontrôle pourrait permettre d'apporter des garanties, sans pour autant générer un coût important. Des systèmes innovants, simples et concrets devraient permettre aux artisans de mieux répondre aux exigences, au bénéfice de tous.

Marie-Noëlle LIENEMANN

Je crains que nous ne consacrions trop d'argent à des investissements périphériques, au détriment du cœur de cible qui demeure la réalisation et l'amélioration de la qualité.

L'idée de renvoyer les entreprises vers les assurances en cas de non respect des objectifs, par exemple, aura un impact considérable sur le montant des cotisations. Ne pourrait-on consacrer directement cet argent à la réalisation des objectifs, a fortiori compte tenu de la pénurie de moyens ?

Pour ma part, je serais favorable à la mise en place de mécanismes de contrôles internes par le biais de petits outils d'évaluation intelligents. Cela me parait plus important qu'une grande ingénierie financière dont les profits n'iront pas nécessairement au développement durable.

Lionel RONDEAU

Je constate également que les coûts de construction sont difficiles à maîtriser, notamment du fait des évolutions techniques. N'ayant pas une grosse production dans ce domaine et n'ayant pas encore amorti leurs outils, les industriels ne participent pas énormément à cet effort. Peut-être une ouverture du marché français aux produits européens permettrait de déverrouiller la situation. Par ailleurs, le second enjeu est celui de la main d'œuvre. De fait, les démarches environnementales font appel à énormément de main d'œuvre, conduisant à une augmentation des coûts de construction. Nous ne disposons pas d'une main d'œuvre suffisante. L'ouverture est nécessaire.

Vincent HUSSENOT

Se pose effectivement le problème de la main d'œuvre, voire de la qualification des intervenants dans la construction. Les évolutions dans ce domaine sont importantes, en lien avec le bois notamment.

S'agissant des assurances, je ferais observer qu'elles conduisent également des évolutions et intègrent de plus en plus cette préoccupation du développement durable. AXA assure ainsi 30% de réduction aux entreprises qui, dans certains secteurs, se dotent de certifications de type management environnemental. Les assurances comprennent leur intérêt à réduire les risques par la certification - considérant de surcroît les gains sur la revente des produits certifiés.

Pour ce qui est de l'autocontrôle, l'idée est certes séduisante. Néanmoins, il convient de souligner que les coûts de la certification diminuent en fonction du nombre de certifications produites. En outre, la certification par un organisme indépendant représente la seule garantie, y compris pour les entreprises, d'une réelle prise de responsabilités. La certification se développe dans le monde entier et dans toutes sortes de systèmes. Je pense que la situation évoluera en ce sens, y compris dans le bâtiment.

Isabelle ROUDIL

Les coûts de la certification pénalisent néanmoins les petites structures. C'est pourquoi la CAPEB et les coopératives d'HLM de petite taille sont perturbées et gênées dans leur travail. Il en va de même lorsqu'un Conseil Régional conditionne une subvention à l'obtention d'un label. En dépit de la qualité du travail des petites structures, les plus grosses sont ainsi favorisées.

Vincent HUSSENOT

Le développement durable relève également d'une analyse du prix des maisons. 2 à 3 % du coût global d'une maison est consacré à la conception, 20 % à la construction elle-même et près de 80 % à la vie du bâtiment. Pour peser sur le coût global, il s'agira de renforcer chacun de ces trois volets. La certification est aujourd'hui à un niveau insuffisant sur l'ensemble. Il s'agira de l'intégrer dans une nouvelle réflexion sur les prix du bâtiment.

Du reste, les prix du foncier sont tels qu'une fois le terrain acheté, les ressources manquent pour construire un logement répondant aux exigences.

Isabelle ROUDIL

Avant de conclure, pourrions nous envisager de définir des perspectives.

Lionel DUNET

L'Ordre des architectes s'engage à former les architectes en matière de développement durable. Il faut que, demain, ceux-ci fassent du développement durable comme on fait des salles de bains aujourd'hui.

Par ailleurs, la sensibilisation des élus et de la population aux problématiques du développement durable et de la densité n'a pas été évoquée. De fait, on observe souvent un refus politique de la densité.

Dominique DE LAVENERE

Le SNAL est la seule organisation professionnelle qui regroupe les aménageurs privés. Depuis 2000, nous réfléchissons sur un certain nombre de démarches éthiques et environnementales. Lors de notre congrès de juin, nous finaliserons l'engagement des adhérents du SNAL dans une démarche citoyenne. Il s'agira d'offrir une qualité de vie à nos concitoyens tout en préservant la qualité de vie des générations futures, en s'obligeant à respecter un mode opérationnel de management : sensibiliser les élus, mettre en place des équipes pluridisciplinaires, contractualiser sur des objectifs environnementaux, produire des bilans, etc.

Du reste, nous constatons que les efforts que nous réalisons au niveau des quartiers sont trop souvent contrecarrés au niveau des territoires et des PLU.

Alain CHOUGUIAT

Il nous est parfois impossible de recourir à des technologies nouvelles car nous ne pouvons les assurer. En effet, notre courbe d'expérience est insuffisante pour cela. Nous avons aborder la question au sein des comités opérationnels issus du Grenelle de l'environnement. Nous avons encore des efforts à faire dans ce domaine.

Quoi qu'il en soit, il est clair que nous n'avancerons pas sans que des efforts soient faits en matière de financement.

De notre coté, nous avons aussi à nous engager dans la formation et la mobilisation des professionnels.

Vincent HUSSENOT

Nous construisons aujourd'hui avec certains objectifs de performance énergétique. Le Gouvernement, quant à lui, prévoit la livraison de bâtiments à énergie positive dès 2020. Compte tenu des efforts de recherche, cet objectif semble pouvoir être atteint. Ces bâtiments seront alors en décalage avec ceux construits aujourd'hui. Il nous faudra donc nécessairement adapter les bâtiments que nous construisons aujourd'hui. Du reste, nous sommes déjà dans une logique d'adaptation au réchauffement climatique. Il nous faut en prendre conscience.

Olaf MALGRAS

Si nous voulons favoriser le développement durable, il nous faudra impliquer les collectivités, les accédants et les promoteurs.

Les normes, quant à elles, nous coûtent cher et ajoutent à la complexité. Qui plus est, la certification est souvent en deçà des attentes des aménageurs et des collectivités locales.

Pour ma part, je demeure relativement sceptique.

Enfin, je souhaiterais qu'un décret ministériel solutionne définitivement le problème de la récupération des eaux de pluie.

Marie-Noëlle LIENEMANN

La certification donne un cadre et permet de contrôler. Cependant, il conviendrait de certifier les résultats, au-delà de la méthode. En tant que coopératives, nous avons besoin de certifications cohérentes, homogènes et validées dans la durée. Dans ces conditions, nous pourrions mutualiser nos moyens pour parvenir à la certification.

Par ailleurs, il nous faudra entretenir l'esprit civique et mutualiste des habitants ayant accédé à la propriété par le biais des coopératives d'HLM. C'est pourquoi nous devons réfléchir à l'accompagnement des accédants. Une des pistes serait d'inclure, dans le service, des diagnostiques thermiques réguliers ou des diagnostiques d'évolution au regard du développement durable. A travers la mutualisation, nous pourrions garantir un accès à ces diagnostiques à des prix plus raisonnables.

L'évolution du bâti au regard du développement durable nous impose de faire évoluer notre métier pour proposer un accompagnement dans la durée. Il s'agira de demeurer hyper compétents dans la gestion patrimonial, tout en accompagnant les parcours résidentiels.

Isabelle ROUDIL

Il me reste à remercier l'ensemble des participants à cette table ronde.