La SCIAPP est un dispositif d'accession progressive à la propriété. La Fédération des Coop'HLM vous en propose un décryptage.
Qu'est-ce que la SCIAPP ?
Mise en œuvre depuis quelques années par des premières coopératives, la SCIAPP est un mode d’accession à la propriété qui permet à des ménages locataires de devenir propriétaire de leur logement.
Ce dispositif est basé sur un modèle de financement locatif, par le biais d’une structure de type SCI (la fameuse SCIAPP qui donne son nom au dispositif) partagée entre un organisme Hlm et les ménages locataires. Elle permet aux ménages de devenir propriétaire de leur logement sans recours au crédit immobilier au bout d’une durée longue (40 ans).
En achetant progressivement les parts sociales qui forment le capital de la SCIAPP (et en payant leur loyer qui sert à rembourser des prêts) les ménages deviennent in fine propriétaires de l'ensemble de la SCIAPP qui peut être dissoute et attribue alors à chaque ménage son logement.
Introduite dans la législation par la loi ENL du 13 juillet 2006, la SCIAPP est codifiée aux article L.443-6-2 à 13 et R.443-9-1 à 4 du CCH.
Les premières réalisations ont eu lieu autour de Toulouse et ont été livrées en 2015. Aujourd’hui 9 SCIAPP sont en gestion en Occitanie et Nouvelle Aquitaine par deux organismes Hlm, Le COL et le groupe des Chalets, pour un total de 114 logements.
Ce dispositif permet de s’adresser aux ménages qui ne sont pas éligibles aux autres dispositifs de l’accession sociale, notamment du fait de la difficulté d’accès au crédit, mais aussi en diminuant la mensualité pour l’acquéreur, tout en garantissant le bon suivi de l’opération par la présence d’un organisme Hlm dans la durée.
D’autres dispositifs innovants en accession sociale, comme le BRS, ont pu occulter ces dernières années le développement de ce type d’opération. Mais le dispositif connaît un regain d’intérêt dernièrement pour répondre à des besoins de ménages n’ayant pas accès au crédit immobilier ou n’étant plus solvables dans le contexte actuel de taux d’intérêts élevé.
La Fédération des Coop'HLM accompagne ses adhérents dans l’appropriation de ce dispositif avec l’appui des coop’Hlm pionnières :
- Une boîte à outil est à disposition des adhérents pour aller plus loin dans la découverte du dispositif
- Les adhérents peuvent contacter florence.caumes@hlm.coop pour intégrer un dispositif de compagnonnage qui permet d’accompagner les coopératives ayant identifié une première opportunité pour ce type de projet
- ARECOOP met en place une nouvelle offre de formation sur 2024 sur ce dispositif.
Le modèle est donc basé sur une société civile immobilière qui vise spécifiquement à permettre l’accession progressive à la propriété des locataires-associés. Les seuls associés de cette structure sont les locataires et l’organisme Hlm, associé-gérant, qui a apporté l’immeuble et assure la gestion de la SCIAPP.
L’associé-gérant
- Apporte l’immeuble lors de la constitution de la société et des financements couvrant la valeur de l’immeuble. Il est l’intermédiaire entre les partenaires (Banque des Territoires, collectivités locales et/ou Action Logement…) et la SCIAPP.
- Assure la gestion : c’est-à-dire le suivi courant (paiement des factures, représentation vis-à-vis des tiers…), les comptes, l’organisation et le secrétariat de l’assemblée générale, mais il assure également le quittancement locatif et les recouvrements en même temps que les appels de fonds liés au statut de locataire-associé.
- Assure un rôle de sécurisation en pouvant se porter acquéreur des parts détenues par les ménages en cas de besoin et garantit par sa gestion professionnelle le bon état d’entretien de l’immeuble.
Le locataire associé
- Est titulaire d’un bail locatif qui lui permet de bénéficier du logement en contrepartie du versement du loyer et des charges locatives,
- Apporte un capital de départ (de l’ordre de 2000 à 5000 €) qui servira de fonds de roulement pour la SCIAPP et lui donne le statut d’associé.
- Assure si nécessaire en tant que locataire-associé le paiement d’appels de fonds spécifiques nécessaires pour l’équilibre des comptes de la SCIAPP (charges non récupérables, déficit…)
- Peut bénéficier de l’attribution en propriété de son logement au terme de la SCIAPP ou en apportant à la SCIAPP les fonds nécessaires (capital restant dû sur le financement de ce logement et frais éventuels) à partir de la dixième année.
Les associés décident ensemble en assemblée générale annuelle des orientations sur la gestion de la SCIAPP avec des droits de votes fixés par les statuts. L’associé-gérant réalise les actes de gestion courante de manière autonome.
La mise en place d’un projet en SCIAPP nécessite de déployer l’ensemble des compétences de l’organisme Hlm en montage locatif social (conventionnement, mobilisation des financement, montage technique et juridique…). Mais la vie du projet nécessitera d’avoir également la capacité de partager ce montage avec les ménages, et donc une appétence pour la pédagogie, la communication et la concertation et plus d’une motivation spécifique pour accompagner à long terme l’accession à la propriété.
La plupart des logements en SCIAPP sont conventionnés en PLUS pour que les ménages puissent supporter les charges supplémentaires liées au statut de propriétaires tout en pouvant optimiser leur mensualité avec le recours aux APL le cas échéant. Toutefois le dispositif peut également s’adapter sur des conventionnements PLAI ou PLS.
Si la majorité des éléments du montage habituel pour du patrimoine locatif sont identiques dans un montage SCIAPP, le logement en SCIAPP se distingue du logement « patrimonialisé » sur certains aspects :
- L'absence de fonds propres injectés dans l’opération : l’organisme n’ayant pas vocation à devenir propriétaire il ne peut pas immobiliser de fonds dans l’opération.
- L’opération peut présenter un déficit d’exploitation, et ce déficit est même structurel dans la mesure où le modèle économique actuel du logement social ne permet pas de développer des opérations locatives sociales sans immobiliser des fonds propres. Le déficit sera couvert par des appels de fonds auprès des locataires-associés qui seront mensualisés pour être appelés en même temps que les loyers et charges. Il convient d’être très vigilant au niveau de ces appels de fonds complémentaires, qui ne doivent en général pas dépasser 25% du loyer conventionné pour rester acceptables. Une étude spécifique est toutefois nécessaire en fonction des sites et des profils des ménages cibles.
- Le locataire-associé est incité à limiter les sollicitations auprès de la SCIAPP pour tous les travaux relevant de son logement (partie privative) pour commencer dès l’entrée dans les lieux à gérer son logement comme un propriétaire et à limiter les coûts pour la SCIAPP. Ainsi les frais d’entretien et petites réparations peuvent être sensiblement réduits par rapport à la gestion locative patrimoniale.
L’opération en SCIAPP vient modifier les pratiques des équipes de gestion car les décisions spécifiques à l’immeuble sont discutées et partagées avec l’ensemble des locataires-associés, au-delà des prérogatives prévues pour la concertation locative ou de la participation à la gouvernance des associés dans nos coopératives.
Les locataires-associés doivent être en mesure de comprendre le fonctionnement global des comptes, d’intégrer les enjeux de gestion à long terme pour prendre les décisions qui relèvent de leur ressort et accepter certaines décisions de l’organisme Hlm associé-gérant.
Si cet effort est indispensable en phase de commercialisation, notamment sur le principe de paiement du loyer, des charges et des appels de fonds d’associés ainsi que le concept des parts sociales, la pédagogie ne s’arrête pas à la livraison. Le sujet des provisions notamment, qui peuvent représenter des sommes importantes, nécessite des explications et sont d’autant mieux appréhendés par les ménages qu’ils pourront se projeter dans les travaux à réaliser (en participant à l’identification des besoins de travaux par exemple).
Les premiers projets sur lesquels a été pensé et développé le modèle de la SCIAPP ont été conçus en habitat participatif. Ils ont permis d’associer les ménages en amont lors de la conception de l’immeuble et les futurs locataires ont pu personnaliser leurs logements et faire des choix collectifs sur la vie des immeubles.
Or le dispositif de SCIAPP en lui-même ne relève pas expressément de l’habitat participatif. En revanche il nécessite la mise en place d’une pédagogie importante auprès des ménages. Ainsi, sans préjuger de l’association des ménages à la conception de l’immeuble, le projet de SCIAPP ne peut pas se penser sans un accompagnement à l’appropriation du dispositif par les ménages et à la constitution d’un esprit collectif pour permettre la bonne prise de décision au sein du groupe. Les structures spécialisés (AMU) peuvent accompagner la SCIAPP pour faciliter les échanges avec l’organisme ou accompagner l’équipe de l’organisme pour adapter ses pratiques à ce nouvel enjeu.
La SCIAPP permet, mais ne se limite pas, à la mise en œuvre de logements participatifs abordables afin de maintenir dans un groupe d’habitants des ménages non solvables, une problématique courante en habitat participatif. Elle peut également permettre d’offrir une possibilité d’accession sociale sur un projet conçu de manière plus classique par l’opérateur, pour s’adapter à une cible commerciale particulière. Ainsi le modèle a pu être déployé pour permettre le parcours résidentiel dans un programme ANRU et on pourrait imaginer bien d’autres projets (accompagnement au relogement dans des copropriétés dégradées, dans le cadre des interventions sur fond Barnier…). Les possibilités sont importantes car la solvabilisation des ménages est importante et ce dans un cadre sécurisé par l’expertise et la responsabilité de l’organisme Hlm associé.