AG 2005 : les coopératives d'Hlm et la gestion de syndic

Les participants de la table ronde :

La table ronde est animée par Michèle ATTAR et Sébastien KUPERBERG, FNSCHLM.

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Michèle ATTAR

La première table ronde de l'assemblée générale de 2005 est consacrée à la gestion de syndic. Il nous est apparu que cette question est importante pour notre métier dans l'ensemble mais plus particulièrement en raison de l'amendement Marini. Cette réflexion a été conçue dans un cadre global.

Historiquement, trois étapes se dégagent :

• la sécurisation des banquiers avec la mise en place de la SG ;
• la sécurisation des acquéreurs, intervenue avec la sécurisation progressive des HLM, finalement rendue obligatoire ;
• la sécurisation du bâti : des copropriétés ont du mal à vivre avec des générations de ménages modestes confrontés à la nécessité de faire des travaux. Il faut se préoccuper de ces questions dès la vente des logements.

La majorité des syndics fait de la promotion et doit donc se préoccuper de la gestion du bâti. La réflexion menée par des groupes de travail auxquels a participé un certain nombre de coopératives sera restituée. Nous vous présenterons en introduction le paysage des syndics dans la fédération et nos axes de réflexion. Nous avons le plaisir d'accueillir des personnalités extérieures à notre mouvement.

Henri Buzy-Cazeaux nous expliquera comment est vécu le syndic au sein des entreprises privées comme Foncia. Messieurs Patié, Le Bouil et Dhont sont nos partenaires dans la création de la coopérative COPROCOOP. Nous travaillons également aux conditions nécessaires pour ne pas créer de copropriétés en difficulté. Il nous a paru intéressant de mener une réflexion globale sur le métier.

Sébastien KUPERBERG

L'enquête sur le syndic a été réalisée auprès des adhérents, en 2005 sur l'exercice 2004, avec l'objectif d'améliorer notre connaissance des coopératives exerçant la fonction de syndic et de leurs pratiques. 25 coopératives exercent aujourd'hui une activité de syndic contre 35 en 1999. 5 le font à l'exclusion de toute autre activité ; au total 750 immeubles sont gérés, soit 42 700 lots dont 26 700 principaux.

La spécificité des organismes HLM qui pratiquent la gestion de syndic est de former deux populations :

• un noyau dormant qui comprend plus de la moitié des sociétés, qui ne gèrent qu'un quart des copropriétés ;
• un noyau actif qui concerne moins de la moitié des sociétés, qui gèrent les trois-quarts des copropriétés.

La majorité des lots en gestion provient de la location attribution. Parmi les lots gagnés, une majorité provient de la production neuve (35 %). Plus de la moitié des lots perdus sont issus d'autres organismes que la coopérative.

Concernant les honoraires, les données sont à interpréter avec précautions : les prestations ne sont pas les mêmes. Nous ne constatons pas de situations particulièrement contrastées sur les honoraires de nouvelles copropriétés. La moyenne est de 105 euros. Sur les anciens lots, nous relevons des honoraires plus bas pour le noyau dormant, en moyenne 86 euros. Les honoraires de gestion complémentaire sont facturés dans 40 % des sociétés et s'élèvent en moyenne à 62 euros par lot et par an.

Seules 17 sociétés ont mis en place sur l'ensemble de leurs immeubles le carnet d'entretien, qui est pourtant obligatoire. Plus d'un tiers des copropriétés n'en disposent pas encore.

Deux tiers des coopératives ont au moins une copropriété en gestion avec compte séparé. Plus de 50 % des copropriétés n'en disposent pas encore. Peu en bénéficient car la décision relève des assemblées générales.

Le compte épargne pour grosses réparations a été mis en place par deux tiers des coopératives. Il ne concerne que 21 % des copropriétés. Le montant moyen mensuel appelé est de 6 euros pour des immeubles de 5 à 10 ans et jusqu'à 24 euros pour les immeubles de plus de 25 ans.

Notre organisation représente 12 sociétés avec service autonome. 5 sociétés ne disposent pas d'un service consacré, mais plutôt d'une personne responsable directement du syndic, avec l'appui ponctuel d'autres salariés d'autres services. 6 sociétés travaillent à temps partiel avec du personnel sur le syndic.

Lors de l'enquête, nous avons demandé aux sociétés où elle situait leur point mort. Pour le noyau dormant, il est établi à un million. Le noyau actif est quant à lui très proche du point mort.

Seule la moitié souhaite développer leur activité, prioritairement par croissance interne. 10 coopératives ont quitté le métier depuis 1999.

Le métier constitue une offre complémentaire qui s'inscrit dans la continuité de service entre le promoteur HLM et la coopérative, des pratiques solidaires et innovantes, gages de différenciation. Il nous engage de l'acte de vente à la gestion. Nous constatons un besoin de reconnaissance et de valorisation du métier.

A partir de cette enquête nous avons ouvert la réflexion au sein de la fédération dans un contexte particulier. Notre activité se spécialise sur peu de structures et reste difficile à équilibrer. Elle appartient à un marché hyper concurrentiel où de nombreux acteurs proposent une offre de service très large composé du syndic, de l'administration de biens et des transactions. Le syndic est le produit d'appel.

Nous constatons le développement des pratiques consuméristes. Il est devenu courant de changer de syndic au moindre problème sans lui laisser le temps de s'installer.
La fiscalisation avec l'amendement Marini a pour le moment retiré la gestion de syndic du champ du service d'intérêt général.

Comme l'a rappelé Michèle Attar en introduction, il s'agit pour nous de prolonger la sécurisation à trois niveaux :

• la sécurisation de l'acquéreur, qui existe déjà ;
• la sécurisation du banquier, qui découle directement de la sécurisation de l'acquéreur et lui permet de proposer des taux bas ;
• la sécurisation du bâti, qui est la suite logique et qui consiste à accompagner l'acquéreur et le logement dans leur vie.

Nous avons dégagé différentes problématiques.

• Comment qualifier le syndic tel qu'il est pratiqué par les coopératives d'HLM ?
• Comment sur la base des modes de gestion les plus innovants, caractériser ces pratiques ?
• Comment disposer de pratiques propres, à même de différencier les acteurs HLM des autres acteurs ?
• Comment proposer un ensemble de mesures qui permette au métier de syndic HLM de sortir du champ de la fiscalité ?

Pour édifier des pratiques de gestion solidaires, il faut éviter la dégradation du bâti grâce à la mise en place d'un fonds de réserve travaux pour faire face aux travaux futurs et assurer la pérennité du bâti. Il ne faut pas attendre que les besoins de travaux se fassent sentir. Ce fonds serait affecté au logement. L'abondement à ce fonds serait obligatoire et d'un montant peu élevé.

La signature de conventions inter-organismes vise par ailleurs :

• à proposer une gestion de syndic solidaire qui assure la pérennité du bâti ;
• à s'assurer d'une bonne liaison entre promotion et gestion ;
• à faire baisser le montant de la prime D.O. ;
• à mieux lever les réserves.

Il s'agit d'assurer de la civilité et du mieux-vivre dans l'habitat par une meilleure formation des copropriétaires en identifiant trois temps :

• une formation avant la livraison portant sur des interrogations : qu'est ce qu'une copropriété ? comment vit-elle ? quels en sont les organes ?
• une formation pour le conseil syndical sur les évolutions réglementaires ;
• des sessions d'information entre copropriétaires et locataires pour mieux se connaître et comprendre comment vivre ensemble ou connaître l'entretien du bâti ;
• une meilleure information des copropriétaires grâce au développement d'un outil d'information trimestriel à destination des copropriétaires sur la vie de leur copropriété : consommations du budget, actions engagées par le syndic et résultats.

Bruno DHONT

Géographiquement, où se situent les coopératives ?

Sébastien KUPERBERG

Elles se situent en Rhône-Alpes et en Ile-de-France pour l'essentiel.

Michèle ATTAR

Une vision d'ensemble des coopératives vient de nous être présentée. Nous pourrions à présent écouter Didier Athiel, directeur de Gexio. Cette coopérative a concentré l'activité de syndic de plusieurs coopératives dans le sud de l'Ile-de-France. J'espère que vous vous retrouvez dans le propos de Sébastien Kuperberg. Ce qui a été dit sur la possibilité d'une stratégie fédérale vient de vos coopératives. Les réflexions prospectives avancées sont l'addition des principales remarques des coopératives. Elles ont demandé à rendre la PGR obligatoire, à former à la civilité, au bruit, aux odeurs. La coopérative de Rennes a été l'initiatrice de cette démarche. La réflexion s'est approfondie sur le passage de la maîtrise d'ouvrages à la gestion de syndic. La prospective est un patchwork de pratiques répandues dans les coopératives. Comment réagissez-vous à ce compte-rendu ?

Didier ATHIEL

Entré dans la société coopérative Gexio il y a huit mois, je suis issu de l'administration de biens ; j'ai pu constater l'état de la copropriété en France. Au sein des associations syndicales d'un certain volume, j'ai découvert des copropriétés dégradées. Les taux ayant baissé, de nombreuses ventes ont lieu. Des personnes qui n'avaient pas la possibilité d'accéder à la propriété peuvent désormais devenir propriétaires. Parmi elles, les primo accédants sont par ailleurs nombreux.

Gexio travaille de manière complémentaire avec les administrateurs de biens. Nous souhaitons apporter la force de la fédération. Notre différence consiste à proposer, en cas d'impayé, un accompagnement dans la vie courante. Nous agissons aussi sur la vie des groupes : un administrateur de biens en général ne prétend pas faire plus que de la gestion de copropriété. Notre rôle consiste à recréer une vie sociale à l'intérieur des groupes. Dans une copropriété importante comme celle où nous travaillons à Ris-Orangis, nous réfléchissons aux moyens de développer un tissu social. Nous essayons de trouver des personnes ayant la volonté de tirer la copropriété vers le haut. Nous avons un poids dans la relation avec le promoteur. Il faut faire comprendre aux nouveaux copropriétaires ce qu'est un promoteur, son rôle et le leur. Nous organisons des réunions de copropriétaires et de conseil syndical. Nous provoquons des réunions informelles. Nous nous sommes aperçus qu'il ne fallait pas défendre dans la rédaction de nos documents le syndic de copropriété contre les réactions des copropriétaires. Il faut travailler avec eux pour tirer la copropriété vers une espèce d'association.

Michèle ATTAR

Henri Buzy-Cazeaux, vous avez suivi la démarche inverse : quelle réflexion vous inspirent nos projets ?

Henri BUZY-CAZEAUX

Je suis un peu nostalgique quand j'entends parler des coopératives. Il se dégage de certaines études des éléments permettant de comparer la gestion privée et la gestion coopérative. J'ai cependant le sentiment que nous exerçons notre métier avec la même orthodoxie. Nous répondons à un besoin.

Je pourrais vous accuser de concurrence déloyale et penser que les coopératives qui ont renoncé à leur particularisme ont eu raison. Je ne le crois cependant pas. Pour moi, les coopératives apportent une réelle valeur ajoutée pour une clientèle de propriétaires modestes. Ce n'est pas notre cas, puisque notre métier consiste à gérer la diversité des copropriétés. Nous gérons aujourd'hui 610 000 lots, soit 10 % de la propriété nationale. Statistiquement, certains de nos habitants sont vos clients. Toutefois, nous n'apportons pas de valeur ajoutée sociale comme vous le faites.

Il peut exister des schémas de coopération, pour des patrimoines en difficulté ou pour des patrimoines bien gérés mais fortement occupés par des personnes modestes. La valeur ajoutée se situe à quatre niveaux.

Premièrement, vous êtes bien placés en ce qui concerne le copropriétaire récent, c'est-à-dire l'ancien locataire accédant à la propriété. Devenir propriétaire après avoir été longtemps locataire dans un HLM doit se préparer. C'est la raison pour laquelle nous avons constitué un livret du copropriétaire qui a pour vocation d'expliquer le changement de régime. Vous entretenez des liens d'une autre nature que vous devez mettre à profit.

Deuxièmement, le lien entre la construction et la gestion est important. Foncia a créé un service dédié à ce thème. Nous avons conclu des contrats commerciaux avec les principaux promoteurs. Quand ils construisent un immeuble, si les habitants sont d'accord, nous devenons syndic. Ces contrats ont l'intérêt de fluidifier la relation entre le promoteur et le gestionnaire. Les problèmes de livraison sont par ailleurs solutionnés. Nous souhaitons obtenir des missions de syndic car nous y trouvons à terme notre intérêt. Il faut se battre au cours des trois premières années postérieures à la livraison sur le lien entre les constructeurs et le gestionnaire. Nous pouvons vous montrer l'exemple car nous avons une expérience en la matière.

Troisièmement, des difficultés liées au recouvrement interviennent. Notre gestion est garante de l'efficacité. Il faut qu'elle réponde aux intérêts de la collectivité. En cas d'impayé, nous cherchons à obtenir rapidement le recouvrement afin d'éviter la pénalisation. Nous revendiquons de réclamer les impayés avec humanité mais nous n'atteindrons jamais l'accompagnement que vous accordez aux personnes.

Enfin, la notion de fonds de réserve doit être mise en avant. Les copropriétaires doivent se préparer à avoir des charges liées à la structure, à l'obsolescence de l'immeuble. Les syndics privés appellent de leurs vœux depuis longtemps la possibilité de prévoir la vie de l'immeuble. Le SRU a marqué des avancées. En 1994, Hervé de Charrette avait favorisé la constitution de réserves. Le système ne fonctionne cependant pas. Le syndic professionnel et privé a en effet du mal à anticiper sur les avances, quelle que soit la sociologie de l'immeuble. Je déjeunais hier avec une journaliste qui gère de manière bénévole 14 lots dans un immeuble haut de gamme : elle m'expliquait qu'elle arrivait péniblement à constituer une épargne. Le problème culturel demeure. Il me semble que nous rencontrons un problème juridique. Etant donné la loi de 1965 et l'évolution du SRU, tout fonds a un statut d'avance remboursable. Il s'agit d'une constitution d'épargne qui est personnelle, sans être réelle. Il peut être nécessaire d'avoir une provision attachée au bien qui permette une lisibilité pour l'entretien de l'immeuble et sa pérennisation.

Nous intervenons dans quatre domaines. Nous ne disposons pas de votre culture, et vous avez donc tout lieu d'agir.

Michèle ATTAR

Un certain nombre de coopératives constituent ce que nous avons appelé un PGR obligatoire. Dès la première année, celui-ci est constitué a priori, pour faire face aux besoins en cas de travaux. Même en cas de cession, la provision reste attachée au logement. Ce système a fait ses preuves, en particulier dans des coopératives placées dans des secteurs difficiles, comme à Vaulx-en-Velin où on ne trouve pas de copropriétés dégradées. Toutefois, en cas de cession du logement, le notaire rédige un acte notarié dans lequel le logement et la PGR sont indiqués. Nous avons été alertés du fait que les bases légales de ce dispositif étaient assez fragiles. Pour l'instant, la Miilos ne nous a pas critiqués. Nous nous attacherons à consolider légalement ce dispositif qui semble essentiel dans la prévention des dégradations.

Je demande à Bruno Dhont de présenter l'ARC, troisième forme de gestion de copropriété.

Bruno DHONT

Je tiens à vous répondre tout d'abord sur le sujet de la PGR.

Michèle ATTAR

Il serait intéressant de présenter l'ARC au public qui est venu se renseigner sur les différentes formes de syndic.

Bruno DHONT

Il existe en effet une forme de syndics non professionnels. Je n'utilise pas le terme bénévole car au sein de l'ARC, nous ne sommes pas opposés à la rémunération d'une personne assurant la fonction de syndic. L'ARC s'occupe de 550 000 lots répartis dans 11 000 copropriétés, dont 2 500 en gestion directe. L'essentiel se trouve dans le Nord de la France mais nous avons également des partenariats dans le Sud de la France et en Rhône-Alpes. Nous pensons que la gestion directe est souvent un facteur de qualité. La proximité entre propriétaires et gestionnaires permet de lier ce qui a été évoqué, c'est-à-dire l'aspect gestion et patrimoine. Des difficultés se posent en raison de la dissociation entre une gestion souvent à court terme et la gestion patrimoniale. Notre législation est illogique. Nous n'avons pas assez souligné la contradiction que nous vivons aujourd'hui. Notre association est très implantée dans le secteur de l'habitat dégradé en difficulté. Or, depuis cinq ans, nous réclamons à corps et à cris, sans avoir pu créer de partenariat avec les fédérations de syndics, l'obligation législative d'un fonds de prévoyance, à l'image de ce qui existe au Québec.

Vous avez évoqué la somme de 6 euros par mois, soit 72 euros qui constituent 4,8 % des 1 500 euros de charges moyennes d'un logement bien géré. Au Québec, la loi oblige à constituer un minimum de 5 % de fonds de réserve tous les ans. Nous demandons que cette somme dérisoire soit réservée.

Le Colloque de Clichy organisé par la région Ile-de-France, la ville de Clichy et la CIV a permis de présenter des propositions préventives. L'une d'elles rend obligatoire la création d'un fonds de travaux grâce à la mise en place d'un produit bancaire défiscalisé.

Je suis heureux d'entendre que vous en ferez une condition pour les copropriétés. Il n'est plus possible de prétendre bien gérer une copropriété sans que soit obligatoire la constitution d'un fonds de réserve. 80 % des adhérents en gestion directe l'ont constitué. Pourquoi un tel fonds n'a-t-il pas été créé auparavant ? Il existe des réticences car les caisses de garanties des syndics professionnels prélèvent de 0,5 à 1 % sur les produits, ce qui constitue un détournement de fonds. De plus, aucun produit d'épargne n'est disponible. Nous demandons que la loi « Habitat pour tous » soit l'occasion d'inscrire cette obligation et de mettre en place un produit d'épargne défiscalisé. Un syndic qui épargne actuellement pour une copropriété doit faire une déclaration par propriétaire. Enfin, la loi de 1967 empêche d'avoir des avances puisqu'elles sont attachées non pas aux lots mais au propriétaire. L'acheteur qui obtient un prêt immobilier va devoir reconstituer une épargne. Certaines personnes en situation de saturation doivent payer deux ou trois trimestres de charges.

Nous nous sommes battu seuls contre les dispositions du décret de 1967 qui stipulent que les avances sont remboursables, sauf convention contraire avec l'acheteur. Nous demandons que le prêt immobilier comprenne une partie de cette avance. Les problèmes sont colossaux et nécessitent la création d'un partenariat.

Je suis heureux d'être présent aujourd'hui. Nous sommes déjà partenaires puisque nous sommes entrés dans COPROCOOP. Cette coopérative vise à porter les copropriétés en difficulté. Je pense qu'il faut utiliser les voies législatives pour faire avancer la situation.

Nous pensons que le problème n'est pas la gestion sociale mais l'adaptation de la gestion à une population modeste. Vous n'avez pas parlé de la maîtrise des charges. Or nous pensons que les deux points les plus importants sont la constitution d'un fonds pour grosse réparation et la maîtrise des charges. Une véritable gestion sociale ne consiste pas à accorder des délais à ceux qui ne peuvent pas payer, d'éviter le recours au juge ou de solvabiliser le voisin, mais plutôt de faire baisser les charges. Depuis dix ans, la culture de maîtrise des charges a disparu. Nous rencontrons des difficultés énormes pour obtenir des contrats individualisés pour l'eau, des programmes d'économie d'énergie, des aides pour diagnostiquer une réduction possible. Au-delà de la gestion quotidienne, le syndic doit apporter cette valeur ajoutée que constitue la maîtrise des charges. Les copropriétaires demandent aux syndics, dans le cadre d'un partenariat, d'assurer cette maîtrise. Vous pouvez trouver un partenariat avec des copropriétaires de classe moyenne, mais si vous arborez l'étiquette « social », vous créez un rejet.

D'après nos estimations, 10 à 20 % du parc immobilier reste fragile. Les syndics traditionnels n'ont pas le temps et l'investissement social pour le gérer. Nous sommes à la recherche d'un mouvement comme le vôtre qui serait qualifié de syndic compétent. Le pire serait que vous soyez considérés comme un syndic social, parce que vous conforterez l'idée selon laquelle l'immeuble fait partie d'une zone défavorisée. Vous pouvez avoir une efficacité sociale à condition de ne pas porter d'étiquette sociale.

Michèle ATTAR

Votre intervention a été appréciée. Nous ne parlons pas de syndic social mais de syndic solidaire.

La maîtrise des charges fait partie bien évidemment de nos préoccupations tant en amont, dans l'acquisition du logement, qu'en aval. Dans vos propos, je relève la volonté d'utiliser la loi « Habitat pour tous » pour y inscrire le fonds de réserve. Concernant la maîtrise des charges, j'ai travaillé à la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères payée de façon exorbitante par les propriétaires et les locataires. Un travail reste à faire au niveau législatif et sur la répartition des charges.

Je voudrais expliquer que COPROCOOP est une coopérative d'intérêt collectif en cours de création en Ile-de-France. Si elle fonctionne, elle sera étendue aux régions demandeuses. En tant que SCIC, elle compte plusieurs collèges :

• un collège d'opérateurs HLM ;
• un collège d'associations parmi lesquelles l'ARC, Pact-Arim, la Fondation Abbé Pierre, Emmaüs ;
• un collège de banques avec depuis le départ le Crédit coopératif et bientôt la Caisse des dépôts et Dexia :
• un collège de collectivités locales dont devrait faire partie la région ;
• un collège de salariés ;
• un collège de coopérateurs.

Cette SCIC a vocation à porter des baux dans les copropriétés en difficulté, le temps que leur situation s'améliore. Il est important de voir à quel point le monde HLM a à apprendre de ses partenaires. Il est évident que la stratégie patrimoniale n'est pas la bonne. COPROCOOP est un projet ambitieux qui réunit de nombreux partenaires et qui est destiné à répondre aux besoins de copropriétés. Les copropriétaires ne s'adressent pas directement à nous mais surtout aux collectivités locales.

Monsieur Patié, vous nous avez rejoints dans l'aventure que représente COPROCOOP.

Monsieur PATIE

Je souhaite vous fournir des repères sur les Pact-Arim et leur rôle dans les copropriétés. Nous comptons 130 associations en France et 2 800 salariés, après une soixantaine d'années d'existence. Notre métier consiste en l'assistance à la maîtrise d'ouvrages dans le parc privé. Les propriétaires sont de revenus modestes. Nous intervenons également dans le parc public.

Nous comptons huit associations en Ile-de-France, 350 salariés, pour 5 à 6 000 copropriétaires. Notre objectif est d'aider à améliorer l'habitat. Nous intervenons également dans les quartiers en difficulté, dans les immeubles en crise. Notre secteur d'intervention est assez large puisqu'il s'étend d'une personne qui rencontre des problèmes pour rénover son logement, y compris dans le monde HLM, au traitement des grands ensembles. Nous intervenons également pour l'ingénierie du relogement pour les opérations de destruction financées dans le cadre de l'Europe.

Nous nous sommes progressivement intéressés depuis une vingtaine d'années à la question des copropriétés notamment en Seine-Saint-Denis et en Rhône-Alpes. Nous avons contribué à sensibiliser les pouvoirs publics, à élaborer des méthodes de diagnostics et à expérimenter des méthodes d'intervention pour parvenir à redresser ces copropriétés en difficulté.

Nous distinguons quatre types de copropriétés fragiles :

• les copropriétés anciennes et dégradées du parc privé ;
• les petites copropriétés du secteur rural ou semi-rural qui ne sont pas organisées et par conséquent se trouvent souvent en très mauvais état ;
• les grands ensembles des années 1960-1975 qui sont souvent des secteurs de paupérisation importants ;
• les copropriétés des villes nouvelles qui présentent une mauvaise maîtrise de la gestion.

Quelle est notre action au sein des copropriétés ? Nous élaborons un diagnostic grâce à un outil de cotation. Nous procédons à l'évaluation d'une centaine d'éléments répartis en quatre thèmes : la gestion et le fonctionnement de la copropriété, la technique et les caractéristiques d'occupation sociale. Par ailleurs, nous travaillons sur l'économie des charges et la programmation des travaux dans le cadre d'un protocole de redressement. Nous jouons également un rôle de mobilisation des financements spécifiques qui peuvent exister, comme des subventions dérogatoires pour ces quartiers ou ces immeubles répertoriés. Nous effectuons les montages de fonds de préfinancement. Si nous nous plaçons dans des immeubles où il n'existe pas de provision et que les occupants n'ont pas de moyens, nous trouvons des solutions pour financer des travaux au coût souvent très important. La provision est une bonne idée pour les personnes qui ont suffisamment de revenus. Pour les plus démunis, elle constitue une charge supplémentaire. Il faut examiner l'articulation entre obligation de provision et obtention des aides au financement des travaux. Nous ne pouvons pas provisionner des subventions sur les travaux à venir. Nous proposons un accompagnement social, des actions de relogement. Nous avons l'expérience de la maîtrise des nouveaux arrivants, à travers un montage financier pour des ménages modestes certes mais pas défavorisés.

Il semble que certaines copropriétés ont besoin d'une gestion particulière, plus proche des problèmes sociaux que les copropriétaires rencontrent. Le portage de l'eau pose également problème. Il faut pouvoir maîtriser le marché immobilier dans ces grands ensembles. C'est pourquoi nous avons décidé d'adhérer à COPROCOOP.

Je rappelle que nous avons la chance que la région d'Ile-de-France soutienne les villes, les copropriétés et les opérateurs pour aborder le problème des copropriétés en difficulté, à travers le financement social, le financement de travaux et l'aide au surcoût que représente pour les syndics la gestion de ces immeubles.

Michèle ATTAR

Nous allons laisser la parole à la salle mais auparavant, je souhaite savoir ce que pense Olivier Le Bouil de notre association.

Olivier LE BOUIL

Gecop est une structure de service social issue du Pact-Arim pour gérer des groupes en difficulté. L'idée est de mettre au service de ces copropriétés un syndic particulier. Nous intervenons dans ces copropriétés avec une démarche sociale, qui s'oppose par définition à une attitude commerciale. La structure de l'association permet la redistribution et le réinvestissement pour amener d'autres services. Nous accompagnons les propriétaires par divers biais. Nous avons différents partenaires pour mettre en place les programmes. Nous réalisons en collaboration avec le propriétaire des plans de redressement. Nous intervenons avec la volonté de mettre en œuvre des mesures adaptées. Nos interventions peuvent prendre l'aspect d'assistance sociale. Nous sommes les initiateurs et les animateurs du redressement.

Michèle ATTAR

Vous pouvez désormais poser des questions à nos invités.

Monsieur BOURRET

Je gère 2 400 lots principaux. J'ai apprécié les propos tenus. Je souhaite intervenir à propos du lobbying dont parlait Michèle Attar.

Nous pouvons mener des actions de lobbying sur le PGR à propos du déplafonnement. Pour l'instant, tous les livrets de Caisse d'Epargne sont plafonnés. Le maximum est vite dépassé avec cent participants. Les produits spécialisés ne devraient pas être limités par un plafonnement.

Nous n'avons pas parlé du récent plan comptable de copropriété. Il a été voté après avoir été réalisé par les grands ministères. Malgré la bonne volonté du Ministre, des incohérences subsistent dans le texte. Le Dictionnaire de la gestion immobilière en date du 16 avril indique : « cette modification des règles en cours d'exercice impose donc de retraiter l'intégralité des corps des immeubles dès lors que l'assemblée générale qui les approuve est postérieure au 1er janvier 2006. » Nous ne pourrons pas faire voter les comptes d'une copropriété en 2005 pour 2006 s'ils ne sont pas établis conformément au nouveau plan comptable. Il faut absolument que cet arrêté soit reporté au 1er janvier 2007.

Michèle ATTAR

Monsieur Buzy-Cazeaux, vous semblez passionné par ce qui vient d'être dit.

Henri BUZY-CAZEAUX

J'approuve la réflexion sur l'utilité d'un moratoire. Nous venons de demander au Ministre son intervention, mais il n'a pas encore reçu notre lettre. Nous rencontrons en effet un problème de rétroactivité de droit et de fait. Il a fallu quatre ans pour bâtir le nouveau plan. Il faut que les sociétés informatiques aient pu se mettre en ligne, ce qui est déjà à peu près le cas. Par contre, la formation des personnels risque de nous mettre en retard. Nous avons voulu la transparence pour les propriétaires. Nous ne serons pas en mesure en France de rendre ce service. J'espère que la fédération appuiera aussi notre demande.

Monsieur BOURRET

Il est amusant de constater que le plan comptable a été fait pour que les copropriétaires puissent enfin comprendre les comptes de leur syndic. Or un contrat de maintenance portera sur la porte automatique, l'ascenseur et d'autres éléments, sans qu'ils soient distingués. Je ne sais pas si les copropriétaires seront satisfaits. Ce sont les syndics qui recevront leurs récriminations.

Bruno DHONT

Cette réalité m'énerve au plus haut point. Vous dénoncez la présentation du compte des charges. Mais le Ministre a en plus arbitré en faveur de la demande du Ministère de la Justice d'une double présentation. Je proteste parce que personne ne s'y intéresse. Les fédérations de copropriétaires ont demandé que ce point soit enlevé. Le Ministère de la Justice a imposé son point de vue.

Nous sommes plus rapides que la CNAIM puisque notre lettre est partie il y a une semaine. Elle sera consultable sur le site dans deux jours. Seul l'UNSAM a accepté de cosigner avec nous cette lettre au Premier Ministre. Elle signale plusieurs aberrations.

D'une part, le décret est finalement inapplicable. Les deux tableaux de charges sont censés être équivalents au total alors que l'un présente des charges nettes de produit tandis que l'autre intègre les produits.

D'autre part, les charges sont réparties à la clôture des comptes et non à la date d'approbation des comptes.

Enfin, il reste une erreur encore plus compliquée à expliquer. Il est dommage d'avoir consacré cinq ans à la création d'un tel monstre...

Une autre aberration peut être relevée : il nous a été refusé d'obtenir un régime simplifié pour les petites copropriétés. Celles-ci vont être obligées d'adopter la comptabilité en partie double, une nomenclature de quatre pages, etc. Il nous est expliqué qu'il n'est pas possible de distinguer petites et grandes copropriétés car cela risquerait de faire exploser la copropriété. Ces incongruités ne sont pas assez dénoncées.

Nous avons attendu trois ans pour que le déplafonnement passe à 75 000 euros et que les copropriétés soient assimilées à des associations. Cette avancée n'est pas suffisante. Il faudrait déplafonner complètement et introduire un produit d'épargne spécifique.

Monsieur BOURRET

Concernant la PGR actuelle qui n'est pas obligatoire, les notaires se font un plaisir d'appliquer la loi. Il suffirait pourtant de remonter cette obligation au compromis. La même personne vendrait un appartement ou un stationnement et 600 euros de PGR. L'opération se passerait à la transaction. Il en est de même pour le décret sur l'arrêté : il faut que l'acquéreur soit prévenu avant. Quand le notaire informe l'acquéreur qu'il doit faire un chèque de 1 000 euros pour le syndic, celui-ci est dépité.

Bruno DHONT

Il faut être deux pour passer un compromis. Or seul le vendeur va utiliser le décret.

Monsieur BOURRET

Il faut simplement changer le décret pour que la transaction soit envisagée. Il s'agit d'un changement minime.

Bruno DHONT

C'est un changement énorme ! Parlez-en au Président de la commission relative à la copropriété : il s'agit selon lui d'une inversion de la copropriété. Il ne veut pas d'une copropriété patrimoine. Si l'avance est réaffectée au lot et non à la personne, la copropriété a une sorte de patrimoine, en tout cas un portefeuille. Le débat de fond est réel. Le Ministère du Logement est d'accord avec notre point de vue, mais le Ministère de la Justice s'y oppose. Or la copropriété est placée sous la tutelle du Ministère de la Justice. Le fait que le Ministère du Logement ne soit que tutelle en second est dramatique.

Marie-Noëlle LIENEMANN

La difficulté tient au Ministère de la Justice. Il n'a pas l'ombre d'une idée de la réalité vécue par les opérateurs et notamment des conditions sociales. De plus, nous constatons peu de renouveau parmi les hauts fonctionnaires de la Justice. Nous avons un grand travail à accomplir : il faut développer un lobbying en direction du Ministère de la Justice. 80 % des problèmes en résultent. Nous nous heurtons au sacro-saint droit à la propriété. Il est urgent de se rendre au Ministère de la Justice pour essayer de changer le point de vue régnant.

Henri BUZY-CAZEAUX

Nous n'avons pas relevé dans nos remarques préliminaires le fait que la durée des mandats des coopératives syndics était, comme pour les syndics privés, d'un an. Les mandats de deux ans ne sont plus légion. Je ne sais pas si c'est un bien. Remettre en cause une fois par an le travail du syndic est une réponse à la suspicion qui règne souvent à l'encontre du syndic. Il semble que dans votre cas, des mandats de durée supérieure seraient une bonne chose, notamment en raison des réserves financières et des provisions. Je pense que le privé n'est pas adapté à la mission dont vous rêvez.

Bruno DHONT

Vous avez parlé de consumérisme. Nous sommes bien placés pour savoir que le copropriétaire est devenu un consommateur de syndic. Le syndic n'est pas un rescapé : il est mandataire. La contradiction est très difficile à vivre. Il faut respecter le consommateur dans ses contradictions. Le propriétaire souhaite aujourd'hui une maîtrise des charges et des votes. J'ai été choqué par le projet de loi « Habitat pour tous » : la disposition des articles 22 et 23 de la loi ramène à 50 % le poids des copropriétaires majoritaires. Je vous mets en garde contre les effets pervers de cette disposition. Nous vivons actuellement une situation très négative avec les HLM de Clichy qui ont mis en vente des logements en copropriété et qui entendent en rester maîtres. Si l'organisme d'HLM veut tout maîtriser, il va se heurter à une opposition vigoureuse. Les crispations existantes entre propriétaires et syndics actuellement s'expliquent par le fait que les premiers ne sont pas toujours d'accord ave la démarche commerciale des seconds. Ne suscitons pas des démarches de copropriétaires majoritaires qui rendraient les minoritaires démissionnaires. Nous nous prononçons pour un partenariat difficile à bâtir mais construit sur des règles simples : la copropriété doit rester une véritable démocratie. Trop souvent, elle se révèle biaisée.

Monsieur PATIE

Nous rencontrons une difficulté récurrente : souvent, les associations de consommateurs, notamment l'ARC, opposent les copropriétaires aux syndics. Le fait que le syndic en tant que gestionnaire passe des heures souvent tardives dans les immeubles n'est pas entendu. Nous ne sommes pas des sociétés de services, mais des mandataires. Nous gérons avec les copropriétaires leurs biens. Or tout travail mérite salaire. Nous devons en effet faire face à des charges. Il faut trouver ensemble un langage commun. Nous avons discuté avec Michèle Attar, expliquant que nous voulions bien « faire du social » en gagnant 400 euros par an. Mais même si nous ne réalisons pas de bénéfices, il faut que nos honoraires couvrent nos charges.

Bruno DHONT

L'ARC est la seule association qui a travaillé sur la question des honoraires. Nous pensons que les honoraires de syndic ne sont pas suffisants. Nous avons demandé une négociation sur ce point afin d'éviter un transfert des honoraires de gestion courante sur les honoraires de gestion particulière. Vous avez indiqué que seuls 40 % des organismes coopératifs pratiquaient des honoraires complémentaires, à hauteur de 62 euros. Aujourd'hui, pour le mouvement coopératif, il s'agit de 100 % des organismes, pour un montant souvent deux fois supérieur à 62 euros. Nous combattons les honoraires sournois. Nous sommes d'accord pour payer la qualité d'un syndic. Nous avons demandé l'ouverture de négociations sur des pratiques de casse des prix. Certains proposent 70 euros au lieu de 100, ce qui explique que les copropriétaires ne savent pas quoi penser. Il faut que nous parvenions à discuter du problème des honoraires et à éviter les transferts. Ne prenons pas les copropriétaires pour des imbéciles. Il ne faut pas dire que le consommateur est responsable de la faible rémunération des syndics. Il faut que nous en discutions.

Michèle ATTAR

J'espère que cette table ronde a jeté des ponts pour entamer un travail commun. Il apparaît en effet que nos intérêts convergent tout à fait. J'espère que nous pourrons continuer à travailler ensemble pour améliorer le cadre juridico-administratif qui nous contraint. Merci aux participants.